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8/5/2021 Commentaires

CASTORE, LE NOUVEAU CHALLENGER

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Depuis maintenant cinq ans, c'est la nouvelle marque à la mode du côté de l'Angleterre. Présente dans le cricket, le tennis, le golf ou encore le rugby, Castore s'est lancé à l'assaut du football en devenant l'équipementier officiel des Glasgow Rangers l'été dernier, et ceux de Wolverhampton et Newcastle à compter de la saison 2021/22. Retour sur la success story de deux frères originaires de Liverpool et partis à la conquête du monde.

Phil et Tom Beahon ont respectivement 27 et 30 ans, et aucune expérience ni dans l'univers du textile, ni dans le business du sportswear au sein d'autres marques. Pourtant, en seulement cinq ans, ils vont atteindre un chiffre d'affaire projeté pour 2021 à plus de 16M€ en vendant des t-shirts à plus de 80€, quasiment uniquement via leur site web. Parmi leurs clients, ils comptent des membres de la famille royale (un accord leur interdit de révéler lesquels), Gary Neville, Daniel Craig ou encore le boxeur Callum Smith. Ils emploient 28 personnes et projettent de créer 300 nouveaux emplois prochainement, en déménageant tout ou partie de leur société à Manchester. Alors comment ces deux frères ont-ils réussi à se faire un nom au Royaume-Uni ?

Petits-fils de Joseph Beahon, footballeur professionnel passé notamment par Bolton, Phil et Tom sont issus d'une famille de sportifs, et l'ont été à haut niveau eux-mêmes. Tom est passé par le centre de formation de Tranmere Rovers avant de rejoindre la Glen Hoddle Academy en Espagne, et d'enchaîner avec le club de Jerez. Phil, lui aussi fan de football, a choisi la voie du cricket, où il a joué à un bon niveau pour Cheshire et Lancashire. Mais pour les deux jeunes hommes, l'aventure ne continuera pas plus loin dans le sport professionnel. Tom se rend vite compte qu'il n'a pas le talent pour percer au haut niveau, et Phil a d'autres ambitions. Tom poursuit des études dans la finance et Phil étudie le droit à Newcastle, et les deux finissent par travailler dans des banques d'affaires à Londres.

Leur passé d'athlètes de bon niveau ne les a jamais quitté, c'est pourquoi Phil et Tom restent actifs dans la pratique du sport. Néanmoins, quelque chose les contrarie depuis toujours dans les tenues de sport. Ils en ont en réalité marre de deux choses : d'une les articles de sports réservés aux hommes sont, d'après eux, d'une qualité insuffisante pour les sportifs aguerris, et de deux, le marché se restreint à 2 ou 3 marques mainstream qui phagocytent le marché sans y apporter l'expertise suffisante pour chaque sport. Pour les femmes, des marques telles que Sweaty Beauty ou Lululemons apportent une alternative de qualité aux mastodontes Nike, Adidas ou Puma ; mais pour les hommes, il n'y a pas de marque premium. C'est donc sur ce secteur de niche que les deux frères vont se jeter toute voile dehors.


BETTER NEVER STOPS

La perspective de raccorder leur passion du sport avec un business prometteur entraîne les frères Beahon à emprunter 30 000€ à leurs parents, qui devront hypothéquer leur maison pour la cause, ainsi qu'à contracter des emprunts personnels pour se lancer. En effet, ils ne roulent pas sur l'or malgré de bons jobs dans la finance. Et c'est ainsi qu'est lancé Castore en août 2016, avec une mise de départ bien maigre et une ignorance totale du marché et de ses spécificités. Alors les Beahon vont revenir à la base : le produit. Ils vont arpenter toutes les salles de sport de la capitale anglaise pour demander aux abonnés ce qu'ils pensent de leurs tenues, et ce qu'ils pourraient en attendre de mieux. Unanimement, les interrogés se plaignent des odeurs après l'effort, de la déformation du textile après quelques lavages seulement, et de coupes mal ajustées. Cela confirme leur intuition, il y a vraiment une place à prendre sur le segment premium.
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(Crédits : castore.com)


Tom et Phil vont alors tout miser sur la R&D (recherche et développement), et sur la conception d'un produit qui répond aux attentes des consommateurs. La tendance est, de toute façon, à acheter moins mais mieux. Ce phénomène s'observe tout aussi bien dans le secteur de la restauration ou des loisirs : les plaisirs sont plus rares mais de meilleure qualité, et pour cela, le consommateur est prêt à payer un supplément.
Une première gamme de produits naît ainsi, en vente uniquement via leur site web. Les résultats sont rapidement positifs, et les deux frères n'entendent pas perdre de temps. Ils font une première levée de fond de 882 000€ leur permettant de passer la vitesse, et en feront deux autres, pour atteindre 7M€ en tout. Parmi les investisseurs, Tom Singh, le fondateur de la marque New Look, qui a lui aussi commencé en empruntant à ses parents, et Arnaud Massenet, investisseur et époux de la fondatrice de Net-A-Porter. Deux parrains de choix, qui vont épauler les frères dans leur apprentissage du "retail" comme de la vente en ligne. Forts de cet apport de capital et d'expérience, les deux frères vont se lancer à l'assaut du sport professionnel.

Leur mantra ne changera néanmoins jamais : "Better never stops". L'objectif n'est rien d'autre que d'offrir la meilleure qualité aux athlètes, qui plus est aux athlètes professionnels. Cela n'était donc qu'une question de temps avant que Castore ne s'attaque au sport de haut niveau. Convaincus et convaincants, les Beahon frappent un premier grand coup médiatique lorsqu'ils parviennent à un accord de sponsoring avec le tennisman Andy Murray début 2019. Auparavant en contrat avec Under Armour, le Britannique a été séduit par la marque, son discours et sa façon de faire. Le fait que Murray soit britannique aidant aussi, nécessairement.
Par cet accord, il devient même actionnaire et conseiller de Castore. Et c'est ainsi que l'ambition s'embrase, et que les deals de sponsoring s'enchaînent : le golfeur Patrick Reed et le capitaine de l'équipe d'Angleterre de rugby à 15 Owen Farrell lui emboîtent le pas. Mais leur plus gros coup intervient en mai 2020.

Que rêver de mieux pour deux gamins de Liverpool que de réaliser les maillots de l'équipe entraînée par Steven Gerrard ? Ce dernier, connaisseur de la marque et sensible au discours des deux jeunes hommes, aurait même facilité le deal, dit-on.
Les Glasgow Rangers ont signé en avril 2018 un contrat de trois ans d'un montant d'environ 12M€ avec la marque danoise Hummel. Mais au cours de la deuxième année, un conflit grandissant menace de faire voler l'accord en éclat. La raison ? Les Rangers réclament plus de 3M€ à son équipementier au titre des royalties non payées sur les ventes de maillots et produits dérivés. La justice donne raison au club écossais, et cela marquera la fin de leur collaboration, un an avant l'échéance du contrat.
Le deal avec Hummel rompu, les pensionnaires d'Ibrox doivent chercher un nouveau manufacturier pour leur tenue bleu roi. Castore se jette alors sur l'occasion, et convainc les Ecossais en leur offrant des perspectives qu'ils ne pourraient retrouver ailleurs. Rapidement, un contrat évalué à près de 30M€ sur cinq ans est entériné.


HARDER, BETTER, FASTER, STRONGER

Mais quelles sont ces perspectives inédites ? Tout d'abord, Castore a mis moins de 6 mois pour travailler sur le maillot des Gers. Du jamais vu, car le process prend habituellement 18 mois avec les leaders du secteur. Cela s'explique par plusieurs facteurs. Tout d'abord, il ne s'agit pas que de travailler sur deux maillots. Désormais, chaque équipe compte trois maillots, des tenues d'entraînements, des tenues d'échauffement d'avant match, les tenues du staff, une gamme de produits dérivés (hoodies, t-shirts,...), et tout cela également pour la section féminine. Par ailleurs, le nombre d'intermédiaires impliqués dans la partie créative dans des grosses machines comme Nike ou Adidas est important, ce qui ralentit nécessairement les échanges et la finalisation des tenues. Enfin, il y a la partie logistique à mettre en place. Les contraintes de production et d'approvisionnement doivent être prévues en amont, au risque d'impacter négativement la vente des produits ; cela inclut de faire en sorte de disposer de toutes les tenues dès la reprise de pré-saison, puis de pouvoir faire des réassorts réguliers sur chaque article pour que l'équipe, mais aussi les fans, puissent en disposer. Et, étant donné que les usines sollicitées sont quasi exclusivement en Asie, dans un contexte sanitaire compliqué qui plus est, cela nécessite une longue préparation pour une partition qui doit se dérouler sans fausse note.

Les deux frères se sont, eux, affranchis de toutes ces contraintes en travaillant en équipe réduite, mais aussi en ayant une mainmise plus forte sur toute la chaîne de production, puisque les produits sont conçus et fabriqués en Europe. Castore offre ainsi la possibilité d'approvisionner mais aussi (et surtout) de réapprovisionner plus vite, et dans des quantités plus flexibles.

Mais l'argument massue, c'est sans doute de pouvoir concevoir un maillot unique et spécialement pensé pour le club. Castore ne compte alors que les Rangers comme client dans le monde du football, et n'a donc pas recours à des modèles ou des pattern appliqués à d'autres clubs, comme cela se voit régulièrement avec les marques leaders. Et, avec une fanbase aussi large que celle des Rangers, l'argument fait mouche. D'autant qu'en étant expert de la vente sur internet dans le monde entier, Castore maîtrise parfaitement la logistique, et propose des délais moins longs et des frais beaucoup moins élevés pour les fans asiatiques, australiens, nord et sud-américains. Or, pour un club soutenu internationalement, cela compte énormément.

Economiquement parlant, la structure du deal est elle aussi inédite. Habituellement, les équipementiers paient un montant fixe à l'année et reversent une partie également fixe de royalties en fonction des ventes.
Castore propose de son côté aussi un montant fixe à l'année mais plus faible, en contrepartie de royalties variables. Ainsi, plus le club vend de maillots, plus le taux de royalties augmente. Le discours iconoclaste mais économiquement pertinent de Tom et Phil fait mouche, car en incitant les clubs à vendre davantage, d'abord ce n'est plus seulement à eux de le faire, mais surtout, ce sont les clubs qui font aussi indirectement mais activement la promotion de Castore !
En incluant une part de variable, Castore s'évite un droit d'entrée trop élevé pour accéder aux clubs de l'élite, et promet en échange une répartition des gains plus favorable aux clubs en cas de succès commercial.

Sûrs de leur modèle, à l'annonce du deal avec les Rangers, les deux frères affichent d'ailleurs clairement leurs ambitions : ils veulent nouer des partenariats similaires dans les 18 prochains mois avec des équipes en France, en Espagne, en Italie, et en Angleterre. Ce sera chose faite l'été suivant avec les Wolves et Newcastle.
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​LESS IS MORE

Séduits eux aussi par le discours alléchant des Beahon, le club des Midlands a arrêté son accord avec Adidas un an avant la fin pour s'engager dans un contrat longue durée avec la marque liverpuldienne, tandis que les Geordies iront jusqu'à confier la gestion globale de la partie e-commerce du club à Tom et Phil.
Wolverhampton touchera environ 1,2M€/an et Newcastle 6M€/an, tandis que leurs derniers contrats leurs assuraient respectivement 3,5M€/an et 7,7M€/an, laissant ainsi suggérer que la part variable est perçue par les clubs comme très intéressante. En effet, les Wolves ont accepté une part fixe trois fois plus faible, alors que leur directeur des opérations commerciales Vinnie Clark a déclaré au cours d'une interview disponible sur la page YouTube du club que c'était le plus gros deal du club passé avec un équipementier. Ce qui l'a également convaincu, au-delà des éléments mentionnés auparavant, était que les maillots replica, c'est-à-dire ceux vendus aux supporters, seraient même moins chers qu'auparavant avec Adidas, le prix passant de 80€ à 65€. Etonnant lorsque l'on se souvient que le business model de Castore est plutôt de proposer du premium... Mais les deux frères ont anticipé ce point dans le modèle proposé aux clubs, car ils savent mieux que quiconque, venant des bords de la Mersey, que les fans de football sont essentiellement issus de la "working class". Clark poursuit en précisant qu'avec Castore, les femmes aussi pourront disposer de maillots replica, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Choix intéressant donc que celui de ces trois clubs, qui seront à coup sûrs non pas isolés, mais bien pionniers. Chaque année, de nombreux fans se plaignent de l'uniformité des modèles de maillot. Parfois, le maillot réservé à un gardien devient le modèle de maillot extérieur pour un autre club... Hormis les quelques plus gros clubs du monde, pour qui les marques réservent un traitement et une attention spécifiques dans le design, le reste doit se contenter de modèles prédéfinis,  fabriqués bien loin de l'endroit où ils seront portés, et de complexité d'approvisionnement partout dans le monde. Castore s'est promis de résoudre tous ces problèmes, et il sera intéressant de voir qui sera le prochain à succomber au discours ambitieux des frères Beahon.
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