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9/3/2021 Commentaires

CIDADE DESPORTIVA : BRAGA SE MET EN QUATRE POUR LE TOP 3

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Y a-t-il un sentiment qui puisse surpasser la fierté de triompher en défiant la logique et les pronostics ? Dans le monde du sport, probablement pas. Pourtant, ils ne sont pas si nombreux ceux qui acceptent d'être David sans savoir si celui-ci peut vaincre Goliath, capables d'accepter le challenge, d'embrasser l'inconnu et de se montrer aussi ingénieux qu'opiniâtres. Certains pourtant voient dans le noir un chemin tortueux vers la lumière, dont la pâleur n'est pas un doute, mais une certitude à venir.

Cette histoire, c'est celle du président António Salvador, et de son club, le SC Braga. Celui-ci vit dans un championnat régit par les triplés de Goliath que sont Benfica, le Sporting et le FC Porto. À eux trois, ils ont remporté 85 des 87 championnats nationaux. Une véritable dictature, qui ne laisse au mieux espérer qu'une place au pied du podium. Pis, les géants usent de leur pouvoir pour attirer tous les meilleurs joueurs du pays, et s'assurer ainsi que personne n'en vienne à contester leur hégémonie. Mais dans cette ville de l'ouest qui fait déjà de la résistance depuis près de vingt ans, la notion de fatalité n'existe plus, et les premiers rayons de lumière sont sortis de terre.


UNE DESTINÉE PROPHÉTIQUE

D'ailleurs, si cette métaphore biblique est aussi éculée, c'est aussi parce que l'on oublie trop souvent de rappeler l'origine de ses protagonistes. Car en réalité, Goliath n'est pas seulement un géant, c'est aussi un redoutable guerrier lourdement armé qui fait preuve d'une vanité telle qu'il exige qu'on lui amène celui qui a le courage de le combattre, et l'illusion de le vaincre. Et, ce qu'il est souvent oublié de mentionner, c'est que le roi Saül était le seul capable, en taille comme en armement, à pouvoir relever ce défi, mais que ce dernier ne l'a pas fait, même aidé par le divin.

David n'est lui qu'un simple fils de berger, d'une taille banale, et armé d'une simple fronde. Sa meilleure arme, c'est sa malice, sa capacité à transformer un lourd handicap en avantage concurrentiel inégalable. Car, logiquement, chez un géant, le point faible est proportionnel à sa taille. C'est pourtant lui qui affronte le colosse, et le défait d'un seul coup, grâce à une idée simple mais terriblement efficace.

L'analogie est alors toute trouvée pour ces modestes mais irréductibles portugais, qui, face non pas à un mais à trois géants, veulent profiter du pêché d'orgueil que nourrit l'ivresse du pouvoir pour renverser toutes les prédictions. Les gens de Braga le savent, un géant n'est ni invulnérable, ni immortel. Le SC Braga n'est peut-être pas un club de bergers, mais ses origines sont tout aussi modestes. Fondé en 1921 par un groupe d'étudiants, son premier match se joue sur le terrain du Vieux Collège d'Espírito Santo, littéralement du "saint esprit" : comme avec David, le divin veille sur le club braguista.
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L'Estádio Municipal, conçu pour l’Euro 2004, et construit à flan d’une ancienne carrière, est reconnaissable entre mille.


​Braga accède à la première division en 1947 en remportant le championnat de D2. Trois saisons plus tard, le club se dote de son propre stade, l'Estádio 1° de Maio, dont la construction a duré quatre ans, pour offrir à 28 000 supporters bracarenses l'écrin à la hauteur de leur ambitieuse équipe. Malgré une relégation suivie d'une remontée l'année suivante en 1955/56, les années 1950 voient le SC Braga se stabiliser dans l'élite, souvent même à proximité du podium. Et, lorsque le club redescend à l'étage inférieur en 1961 et en 1970, il remonte à chaque fois en qualité de champion.

Depuis la saison 1974/75, Braga n'a cependant plus quitté l'élite du football portugais, ce qui en fait le 4ème club avec le plus grand nombre de saisons consécutives au plus haut niveau national. Désormais, c'est aussi le 4ème plus gros budget de Liga Nos, le 4ème club avec le plus de supporters, le 4ème club portugais au niveau des performances européennes, et, dans son histoire, Braga a fini 15 fois 4ème du championnat. Nul besoin de préciser qui sont les trois premiers dans chaque cas, mais la régularité avec laquelle Braga s'est approché du trio de tête indique qu'elle est désormais la seule l'équipe à pouvoir bouleverser l'ordre établi. Depuis 2000, le club ne s'est classé hors du top 4 qu'à six reprises.

La faim de titres est d'autant plus forte que les braguistas n'ont que le 6ème palmarès du football portugais, derrière Boavista 4ème avec neuf titres, et Belenenses qui compte deux Coupes du Portugal de moins, mais un titre de champion de plus. Car c'est bien le titre de champion qui manque désormais au club en plus de ses trois Coupes du Portugal et deux Coupes de la Ligue. Il y a sans doute aussi la Supercoupe du Portugal, après avoir perdu... quatre fois en finale.


ANTÓNIO SALVADOR, SAUVEUR PROVIDENTIEL

La situation actuelle du club ne doit cependant pas faire oublier qu'à l'orée du nouveau millénaire, le SC Braga était en proie à une grave crise sportive et financière. Le président João Gomes de Oliveira  quitte son poste en 2002, laissant le club dans un piètre état, tant et si bien que personne ne veut reprendre le club pendant plusieurs mois. Dans un contexte de forte tension, le conseil de surveillance propose en février 2003 le poste à l'homme d'affaires originaire de la ville António Salvador, et le jeune entrepreneur de 33 ans parie sur l'avenir et accepte.

Salvador, le bien-nommé, arrive bel et bien comme le sauveur d'une équipe à la dérive. Décidément, si la ville de Braga abrite autant d'églises et de chapelles, ce n'est pas un hasard : sa destinée sportive semble presque biblique.
L'arrivée messianique de Salvador permet au club de renverser rapidement la vapeur, grâce notamment à la manne (céleste ?) de l'Euro 2004 qui se joue au Portugal, et à l'occasion duquel Braga s'est doté d'une toute nouvelle enceinte de 30 286 places. C'est en partie grâce à cet outil que le club peut se montrer plus ambitieux, et à peine cinq ans après son arrivée, Salvador permet aux bracarenses de remporter une coupe Intertoto, faisant de Braga le... quatrième club portugais à remporter un trophée européen.

C'est Jorge Jesus qui remporte ce titre au cours de sa seule saison passée au club. L'année suivante, il part écrire sa légende avec le grand Benfica, et Braga débauche Domingos Paciência de l'Académica de Coimbra. Ce dernier atteint au cours de la saison 2009/10 la seconde place, qui reste à ce jour le meilleur classement de l'équipe. Après deux saisons sur le banc de l'Estádio Municipal, Paciência file au Sporting.
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António Salvador, aux commandes du club depuis 2003 (Crédits : @scbragaoficial)


En 18 ans de présidence, Salvador a utilisé une vingtaine de coachs, qui n'ont pas tous quitté le club de son propre fait. Pourtant, cela n'a causé aucune instabilité sportive, et n'a en rien terni son image. À chaque élection, il est réélu avec plus de la moitié des voix ; aux dernières élections de mai 2021, personne ne s'est même présenté face à lui.

Pour autant, ​le président braguista n'est peut-être pas celui que l'on pensait être depuis presque vingt ans. En 2018, le tribunal de Famalicão a ordonné la saisie de ses biens personnels en paiement d'une dette de près de 500 000€. Et, en mars 2020, il a été contraint de vendre Britalar, sa société d'ingénierie et de construction, pour éponger la dette de 30M€ envers des centaines de créanciers. Il n'a aujourd'hui plus un seul meuble à son nom, et vit dans la maison d'un de ses anciens employés.

Mais dans son rôle de président du SC Braga, difficile de lui reprocher quoi que ce soit, car en plus de sa réussite sportive, il a apporté au club une véritable sérénité économique. Il a mis en place tous les ingrédients pour faire de Braga un club axé sur la formation et le recrutement de jeunes à fort potentiel, dans le but de vendre chaque année un joueur avec une belle plus-value. Plus-value réinvestie dans le club, qui grandit ainsi petit à petit.


VENDRE POUR INVESTIR

Car pour Braga, il n'y a eu nul autre choix pour progresser en tant qu'institution que de se construire à partir de ses propres ressources, pourtant limitées. Et, en cela, Salvador a également été un élément providentiel de l'histoire du club. Sous sa présidence ont émergé des talents qui n'ont parfois même pas eu le temps d'avoir un maillot floqué à leur nom avant de partir pour permettre au club de poursuivre son ascension.

Pedro Neto (18,5M€) et Bruno Jordão (9,3M€) sont ainsi passés de l'équipe B à la Lazio à l'été 2017, par l'entremise de l'omnipotent agent lusitanien Jorge Mendes. C'est également lui qui avait déjà procédé de la même façon auparavant avec Pizzi, en le transférant pour 15M€ à l'Atlético Madrid, et avec Gil Dias à Monaco pour 5M€.

Dernièrement, Francisco Trincão a tout de même eu une saison (plus une en prêt) avant de signer au Barça pour 31M€. Et, si le très prometteur défenseur central David Carmo n'est pas encore parti, c'est sans doute qu'il n'est pas client de Gestifute, l'agence de Mendes. Un temps évoqué en Angleterre et en Espagne, Carmo ne devrait cependant pas rester encore très longtemps en Liga Nos.

Car la force de Salvador, c'est de savoir vendre ses meilleurs atouts au meilleur moment, y compris ceux qu'il n'a pas vu grandir au club. L'attaquant Paulinho, arrivé libre de Gil Vicente a été vendu 16M€ au Sporting après trois et demi ; Rafa Silva, déniché dans le club de D2 de Feirense pour un demi million a été revendu 16M€ à Benfica alors qu'il affolait toute l'Europe en 2016.

Et Braga sait également y faire à l'international, en allant par exemple chercher le milieu défensif monténégrin Nikola Vukcevic dans les équipes de jeunes de Podgorica pour 125 000€ pour le revendre 8,9M€ à Levante, ou en allant dénicher un très jeunes mais talentueux Mamadou Loum au fin fond du Sénégal pour 130 000€, pour le transférer pour 7,5M€ quatre ans plus tard au FC Porto.

Si Salvador ne souhaite pas spécifiquement renforcer ses concurrents, certaines plus-values sont trop belles pour être négligées. D'autant que parmi tous les joueurs ayant quitté le club, tous ne sont pas devenus des éléments majeurs de leur nouvelle équipe. Preuve en est que Braga sait souvent tirer le meilleur d'un joueur, et le céder au bon moment, parfois avec le coup de main d'un agent qui place ses pions où il le souhaite.
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​DE L'IMPORTANCE DU PATRIMOINE

Toutefois, si Salvador consent à ces sacrifices sportifs, c'est parce que son projet depuis dix ans est de pouvoir doter le club d'un outil pouvant en assurer un avenir qui ne dépendra peut-être plus autant du marché des transferts. Le président souhaite que le club forme son propre patrimoine, financier comme sportif. Alors, à partir de 2011 et pendant cinq longues années, il joue de persévérance et de soutiens politiques pour acquérir l'ancienne piscine olympique qui jouxte le stade pour en faire une véritable cité sportive, pour réaliser son plus grand projet : la Cidade Desportiva.

Cette ancienne piscine olympique est d'ailleurs l'un des plus gros gâchis d'argent public du pays. Le projet de 25M€ était porté par le précédent maire, Mesquita Machado. Un projet pharaonique, décrit par certains comme une "folie mégalomane", abandonné en cours de construction après que 9M€ ait été investis dans les structures. Pendant des années, le terrain est resté inutilisé et n'a pas été réhabilité. Une aubaine pour Salvador, qui une nouvelle fois récupère ce dont plus personne ne veut.

Pour l'aider dans son projet, le maire actuel Ricardo Rio a consenti à lui céder une concession de 75 ans pour cette parcelle, en plus de lui céder un autre terrain adjacent. La construction est donc lancée, et est découpée en deux phases (voir plus haut). La première phase, d'un coût de 11M€, prévoit de s'attaquer à deux gros chantiers, entre autres : refaire le centre de formation, et moderniser le centre d'entraînement. Des salles de classe, de salles de soin, de physiothérapie et de massage, une piscine, une cafétéria sont ainsi bâties pour les jeunes, et la constructions de cinq grands terrains, ainsi qu'un terrain de sable et un terrain de foot à sept sont aménagés pour l'équipe première.

La phase 1 a été achevée en 2017. De l'avis de tous, les améliorations apportées sont déjà perceptibles, et devront porter leurs fruits rapidement. La phase 2 doit être achevée mi-2021, pour célébrer le centenaire du club en grande pompe. Celle-ci comprend la construction d'un grand pavillon polyvalent, puisque Braga est un club omnisports. Dans ce pavillon, les bureaux du club, la boutique officielle, un grand gymnase de 1000 places, une piscine, des cellules de soin (physiothérapie, hydrothérapie), une salle de presse et le musée du club. Le budget de ce pavillon est de 17M€, auquel il faut ajouter celui de l'Estádio Centenário, une enceinte dédiée à l'équipe B, bordée par deux terrains d'entraînement, le tout pour un total de 5,5M€.
L'univers du SC Braga se concentre dans cet espace physique, où une interaction sans précédent dans l'histoire de ce club sera générée, et cela aura un effet énorme sur la façon dont les athlètes, les entraîneurs, les collaborateurs et les fans vivent la vie quotidienne de leur club. La Cidade Desportiva sera la maison et l'ancre du SC Braga." - António Salvador

​Le cabinet d'architecte Barbosa & Guimarães a rendu concret le rêve de Salvador de donner à Braga une vision d'avenir à très long terme. En offrant de meilleures conditions à un centre de formation déjà productif, et des installations beaucoup plus modernes à une équipe déjà solidement préparée à attaquer le podium, le président braguista entend entamer une nouvelle ère. Pour lui, c'est le "projet du siècle", ni plus ni moins, car il espère soigner son club des deux maux concomitants qui immobilisent Braga face à Goliath : devoir vendre pour survivre, et se contenter de devoir rester à sa place. Alors Salvador entend profiter d'une fenêtre de tir qui se profile depuis peu.

Entre instabilité institutionnelle, politiques de transferts râtées et affaiblissement sur l'échiquier européen, les cadors nationaux ont connu des temps meilleurs. Le président du SL Benfica Luis Filipe Vieira est régulièrent lié à des affaires judiciaires, à l'image de son homologue du FC Porto, Jorge Nuno Pinto da Costa. Bruno de Carvalho a été destitué de son poste au Sporting CP après avoir allumé ses joueurs suite à une défaite, en conséquence de quoi beaucoup d'entre eux ont quitté le club. Pour se faire réélire, le président Vieira a dépensé 105M€ en transferts clinquants au succès très relatif l'été dernier. Bien qu'ils trustent toujours les premières places, il semblerait néanmoins qu'avec un peu de malice, Braga puisse voir dans cette situation l'espoir d'une grande victoire.

Tel Goliath se sentant tout-puissant et négligeant jusqu'à l'idée de pouvoir perdre, les trois ogres portugais vaquent à leurs occupations parfois déliquescentes, convaincus d'être intouchables. Mais Salvador a construit sa propre fronde, et lui se tient tout prêt à viser là où ça fait mal, comme pour rappeler l'enseignement œcuménique de ce passage biblique, et accomplir une nouvelle fois la prophétie.



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