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8/13/2021 Commentaires

KNAPPENSCHMIEDE, LA MINE D'OR DE LA RUHR

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Le 21 décembre 2018, la mine de Prosper-Haniel, située à Bottrop dans la Ruhr, ferme ses portes. En activité depuis 1863, elle était la dernière mine de charbon encore en activité en Allemagne. La Ruhr, cette région industrielle de l'Ouest de l'Allemagne, l'un des principaux bassins économiques du continent, a abandonné pour de bon une activité vieille de près de deux siècles. Mais, à moins de 15 kilomètres de là, une mine d'or couleur bleu roi continue, elle, de produire des pépites en abondance. Derrière les portes de la célèbre Knappenschmiede ont été polis quelques grands noms du football allemand moderne, pour la plupart nés dans cette région autrefois noire comme la houille, et désormais l'une des plus éclatantes d'Europe.

Schalke 04 est une institution très respectée outre-Rhin, vieille de près de 120 ans. Les Knappen (miniers) disposent d'un palmarès très respectable, avec 7 titres de champions national, 5 Coupes d'Allemagne, 1 Coupe de la Ligue, et 1 Coupe de l'UEFA. Un Traditionsverein (club traditionnel) selon l'appellation locale, par opposition aux Plastik-Clubs, ces équipes au succès récent acquis essentiellement grâce à de riches propriétaires. Schalke se distingue ainsi dans l'idée à des clubs comme Hoffenheim, propriété de Dietmar Hopp, fondateur des logiciels SAP, ou le RB Leipzig, qui appartient à Dietrich Mateschitz, créateur de la marque de boissons énergisantes Red Bull. 


UN CLUB DE SANG ROYAL

Les Königsblauen, les "bleu roi", en référence à la couleur principale du club, peuvent compter sur une base de supporters très fidèles, et très fiers de leurs origines minières. Le couloir d'accès au terrain de la VELTINS-Arena réplique d'ailleurs un tunnel typique des mines de charbon. Une fanbase populaire aussi, évidemment, même si le club a longtemps vécu avec un budget confortable, et gravitant par moment tout proche de l'élite européenne. Construit au cours d'une période faste et préparant un futur très ambitieux, le stade d'une capacité de 61 482 places a été inauguré en 2001, et noté 5 étoiles par l'UEFA. Mais, s'il a été conçu pour faire la part belle à l'ambiance électrique proposée par ses ultras, son remboursement mal maîtrisé en raison d'un taux d'emprunt asphyxiant a en réalité précipité la dégringolade financière puis sportive du club. A travers un plan d'assainissement économique exigé par la DFB afin de ne pas perdre sa licence professionnelle, 04 a même été contraint de vendre une partie des actions du stade, et de céder ses meilleurs éléments, à l'instar de Manuel Neuer qui rejoint le rival munichois en 2011 pour 25M€. En à peine 10 ans, le club alors habitué aux places européennes connaît un vrai coup dur.

Mais le centre de formation tient bon malgré la tempête. Suite à cette année 2011 charnière finie à une 14ème place décevante mais moins douloureuse qu'une rétrogradation, 04 va se tourner à nouveau vers Knappenschmiede, d'où sortent plusieurs talents qui vont aider le club à se relever. Julian Draxler, Max Meyer et Leroy Sané, une jolie palette de talents offensifs après la promotion de profils plus défensifs les années précédentes (à l'exception, certes majeure, de Mesut Özil). Trois joueurs agréables à l'oeil mais tout aussi efficaces, qui permettront aux Knappen de retrouver un billet pour l'Europe dès les saisons suivantes, seule une 10ème place après une saison 2016/17 ratée faisant fausse note en 7 saisons consécutives.

La saison 2018/19 va néanmoins porter un coup d'arrêt à cette belle série. Qualifiée pour la Champions League suite à une très belle 2nde place, l'équipe entraînée par Domenico Tedesco a impressionné au cours de la saison précédente. L'entraîneur de 32 ans est décrit comme un "laptop coach" à l'instar de ses collègues Thomas Tuchel ou Julian Nagelsmann. Terme à la fois flatteur et moqueur, désignant cette nouvelle vague d'entraîneurs s'appuyant sur les nouvelles technologies et la statistique pour proposer un travail tactique poussé ; et cela a fonctionné pour Tedesco. Sauf qu'à l'été 2018, Schalke perd plusieurs joueurs majeurs, pour certains formés au club, et une part importante de son identité. Si Benedikt Höwedes (5M€) et Thilo Kehrer (37M€) remplissent les caisses du club, Leon Goretzka et Max Meyer filent gratuitement au Bayern Munich et à Crystal Palace. Le recrutement sera alors tourné vers des joueurs prometteurs (Suat Serdar, Rabbi Matondo, Omar Mascarell, Hamza Mendyl) mais qui ne seront pas au niveau de ceux partis. Après une déculottée 7-0 face à City à l'Etihad en phase de groupe de la Ligue des Champions, Tedesco est remercié. Huub Stevens finira la saison à une décevante 14ème place.

Les deux saisons qui suivent sont tout aussi mauvaises, jusqu'à précipiter l'institution bleue en 2nde division. La saison 2020/21 verra le club de la Ruhr n'engranger que 3 petites victoires en 36 matchs, et pas moins de 5 entraîneurs se succèder sans succès sur le banc de l'Arena AufSchalke. Une déliquescence sportive consécutive à une piteuse gestion des meilleurs atouts sportifs, et, en trois ans à peine, la chute au fond du gouffre.
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Matthew Hoppe, la dernière pépite de Knappenschmiede (Crédits : tofoot.com)

SCHALKE QUALITÄT

​Seule constante à travers tous les tumultes du début de siècle du côté de 04, la régularité et la qualité de production de son centre de formation. Une aubaine pour un club aux finances instables, voire même totalement dans le rouge ces dernières années.
Heureusement pour lui, le club peut compter à l'échelon junior l'un des staffs les plus solides et les plus renommés d'Allemagne. Si la Knappenschmiede peut s'enorgueillir d'avoir formé 4 Champions du Monde 2014 (Mesut Özil, Benedikt Höwedes, Manuel Neuer, Julian Draxler), c'est parce qu'elle a posé voilà longtemps les bases d'un projet cohérent, réfléchi et méthodique, littéralement à l'opposé de ce que l'on peut observer en équipe première. Avec pas moins de 100 employés en charge de plus de 200 jeunes entre les sections U8 et U23, la machine est parfaitement huilée.
Toutes les informations concernant la méthodologie de formation sont d'ailleurs mises fièrement en exergue sur le site officiel du club. 
"Le but est de développer chaque joueur en fonction de son âge et de ses performances. Notre philosophie nous permet de nous assurer que chaque exercice permet aux jeunes de progresser jusqu'à la catégorie d'âge supérieure." - Schalke04.de
​Chaque année, Knappenschmiede intègre des profils à partir de 8 ans originaires des alentours de Gelsenkirchen. Les sections U8 à 12 sont très largement remplies pour éviter un lourd turnover annuel, car le club aime modeler ses joueurs à façon, sur la durée. L'unique but du centre est de nourrir l'équipe première en joueurs de haut niveau. Pas de trading dans l'optique de faire une plus-value, pas de formation pour l'image médiatique, pas de recherche frénétique du futur Ballon d'Or. 

Ainsi, pour s'assurer que cet objectif soit atteint, le club a mis en place plusieurs leviers d'action. Le premier, c'est de tout miser sur la qualité des formateurs. Par exemple, la section U16 peut compter sur 5 coachs titulaires de la licence A, la plus élevée délivrée par la DFB (fédération de football allemande) ; cette licence est notamment requise pour entraîner un club professionnel de Bundesliga. De plus, chaque formateur est spécialisé dans la catégorie d'âge qu'il entraîne. Et leur rôle à tous est avant tout de développer le talent individuel et le plaisir du jeu, plutôt que de penser à l'équipe au global. L'accent est volontairement mis sur la technique individuelle dès les premières sections, où 2/3 des exercices sont voués à enraciner chez le joueur un contrôle de balle de qualité et une coordination censés devenir automatiques. Dès les premières sections, les membres de l'académie doivent aussi apprendre à se rendre responsables de leurs actes, et développer leur confiance en eux ainsi que l'esprit d'équipe, car à Gelsenkirchen, on y développe aussi des gens biens. La devise du club "Wir leben dich", que l'on pourrait traduire par "Nous vivons par vous", est d'ailleurs là pour rappeller à chaque membre du club l'image digne et humble qu'il doit renvoyer aux supporters.

L'éducation joue également un rôle primordial. L'académie coopère avec plusieurs écoles de la région, mais a surtout participé aux travaux de l'agrandissement de la Berger Feld, une des écoles d'élite de la DFB. Située à quelques encablures de la VELTINS-Arena, elle participe à l'image d'excellence de la formation made in Gelsenkirchen.

Le cursus de formation est très clair pour le club. Au fur et à mesure du parcours de formation, le développement physique et la tactique sont intégrés de façon réfléchie, d'abord par petites doses (15% de physique, 25% de tactique à l'adolescence, contre 35% de technique et 25% de jeux d'entraînement). La section U16 a d'ailleurs été créée en 2012 pour faciliter la transition de niveau physique et tactique entre la catégorie U15 évoluant à l'échelon régional, et la catégorie U17 qui dispute la Bundesliga au niveau national. 
.À partir des U16, des analyses de performance viennent aider le staff à faire une première sélection. C'est aussi à cette étape que le club ouvre son recrutement junior à toute la région de Westphalie. 

Pour conclure le parcours de formation et préparer les pensionnaires de Knappenschmiede au haut niveau, la priorité est portée vers le développement tactique, notamment en U19. La section U23 fait, enfin, le lien entre la formation et l'équipe première. Dans l'antichambre du monde professionnel, les jeunes apprentis arrivent à la croisée des chemins : pouvoir faire du football un métier, ou devoir retourner à une vie plus... normale.  Pour aider à la sélection, le staff impose une intensité à l'entraînement et en match comparable à ce qui les attend à l'étape finale, et ainsi déceler ceux qui sont prêts à franchir l'ultime étape.


UN RAYONNEMENT INTERNATIONAL

Il est intéressant de noter que Knappenschmiede fait aussi appel à un recrutement extérieur. Traditionnellement, ​en U17/U19, Schalke essaie essentiellement d'attirer des espoirs représentant l'Allemagne dans ces catégories d'âge, mais depuis peu, le processus de recrutement s'est ouvert à l'international. Deux exemples américains symbolisent cette nouvelle approche, selon deux modèles bien distincts.


Weston McKennie est arrivé à 18 ans à Schalke, après avoir décliné une offre de contrat professionnel du FC Dallas. Fils d'un officier de l'US Air Force, il a vécu de 6 à 9 ans à Kaiserslautern, où était stationné le papa. Il commence le football dès son arrivée en Allemagne au FC Phönix Otterbach, situé dans la proche banlieue. Après trois années en Europe, la famille retourne au Texas, et McKennie intégre l'une des meilleures académies américaines, le FC Dallas. C'est là qu'il est repéré en 2016 par des émissaires du club allemand, après une dernière année où ses progrès ont été fulgurants. Arrivé en fin de saison, et promu en équipe première à Schalke dès le début de la saison suivante (2017/18), il a été l'un des seuls à surnager jusqu'à son départ pour la Juventus à l'été 2020. Une destination surprenante, car le saut entre le ventre mou de la Bundesliga et un prétendant à la Ligue des Champions peut s'avérer énorme. Pourtant McKennie s'est bel et imposé sous les ordres d'Andrea Pirlo, et la Juventus a transformé son prêt en transfert définitif, pour une opération globale qui a rapporté 25M€ à Schalke.

Matthew Hoppe (photo ci-dessus) est lui passé par la International Soccer Academy, une (onéreuse) plateforme américaine qui, grâce à des partenariats passés avec Francfort, Majorque et Schalke, permet à des jeunes de faire des essais en Europe, dans le but d'y devenir professionnels. Hoppe, originaire de Californie, a suivi ce programme et a ainsi tapé dans l'oeil du FC Barcelone. Il y rejoint la Masia pendant 2 saisons, mais a pris la décision de quitter la plus prestigieuse académie au monde pour s'engager au sein de la Knappenschmiede, dans l'espoir de parfaire sa formation mais surtout de trouver un chemin plus rapide vers l'équipe première. Ce sera chose faite au cours de la saison 2020/21, où il signe notamment un triplé face à Hoffenheim lors de sa 5ème apparition. Convoité par de grosses écuries anglaises, il devrait profiter du passage de Schalke en Bundesliga 2 pour s'installer comme titulaire et confirmer tout son potentiel.
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Le "professeur" Nobert Elgert (Crédits : schalke04.de)

​"LE SCEAU DE QUALITE DU FOOTBALL ALLEMAND"

L'avenir nous dira si l'afflux de joueurs étrangers dans les catégories de jeune deviendra ou non une réelle tendance pour les Königsblauen. En revanche, ce que le club sait d'ores et déjà, c'est qu'il faut une équipe véritablement qualifiée pour mener ce projet de formation à bien année après année. Toujours sur son site officiel, Schalke définit son cursus comme le "sceau de qualité du football allemand", rien de moins. Autrement dit, tout joueur devenu professionnel estampillé Schalke porte en lui une formation de qualité élite, à l'image du discours des plus grandes couveuses que sont la Masia ou De Toekomst (Ajax Amsterdam).
Pour assumer cette mission, le club a mis en place un encadrement expérimenté, et récemment renouvelée.

Les éducateurs des U19 et U23 du club sont souvent d'anciens joueurs professionnels, recrutés sciemment à ces postes dans le but de donner un avant-goût plus concret de l'avenir proche qui attend ces futurs membres de l'équipe première. Il en va d'ailleurs de même pour le haut de l'organigramme. Premier sur la liste, Peter Knäbel, 54 ans, directeur technique du club et lui-même ancien joueur professionnel, à la carrière toutefois modeste. Formé chez les ennemis jurés du BVB Dortmund, il a connu une plus franche réussite au cours de sa seconde vie. Responsable de la formation du côté de Winterthur et surtout du FC Bâle, puis directeur technique de l'équipe nationale de Suisse, il revient au pays pour prendre la direction sportive du VfB Stuttgart. Hormis son passage en sélection nationale, Knäbel n'a connu que des clubs où la formation est au coeur de la stratégie sportive, et c'est ce profil qui a convaincu le board de Schalke 04 de l'embaucher en 2018.
Sous ses ordres, l'icône du club d'origine ghanéenne Gerald Asamoah, resté au club suite à sa carrière, où il a quasiment connu tous les postes d'encadrement possibles jusqu'à celui actuel de "team manager" pour l'équipe première. En d'autres termes, Asamoah aura la charge de s'assurer au quotidien que l'équipe une fonctionne bien, notamment en ce qui concerne l'intégration des joueurs issus du centre de formation. A ses côtés, Mario Grevelhörster, lui aussi ancien joueur et formé au club.

C'est Mathias Schober, ancien gardien lui aussi formé au club, et précédemment entraîneurs des gardiens dans les sections de jeunes, qui est devenu à l'été 2021 le gardien du temple Knappenschmiede. Dans un modèle typiquement germanique de préservation de l'identité de l'institution, les anciennes figures locales viennent défendre le patrimoine culturel du club au cours de leur seconde carrière. L'idée n'est pas tant pour eux de refuser la modernité, les technologies et les idées nouvelles, mais de les embrasser en respectant ce que le club et ses valeurs représentent pour ses supporters. Un passage de témoin au sein d'une même famille, qui ne doit cependant pas exclure tout pré-requis de compétence ; il faudra donc suivre le bilan de Schober, même s'il semble difficilement concevable qu'un tel atout soit mis dans les mains du premier venu, pourvu qu'il vienne du coin.

Enfin, la pièce maîtresse pour 04 est son très expérimenté entraîneur des U19, Norbert Elgert. Élu meilleur allemand par la DFB en 2013, devançant alors les entraîneurs de Bundesliga 1 et 2, on doit au formateur désormais âgé de 64 ans d'avoir poli les meilleurs talents passés par l'académie depuis 1996, gagnant au passage le championnat U19 en 2006, 2012 et 2015. Auteur de plusieurs livres (Moderner Angriffsfussball, Gib Alles. Nur Nie Auf!) et DVD (Die Kunst des Angriffsfussballs) détaillant sa méthode, il a signé un contrat à durée indéterminée avec son club de toujours, lui le natif de Gelsenkirchen.

Ainsi Knappenschmiede a produit des dizaines de joueurs qui ont évolué en Bundesliga. Si certains n'ont été que de passage sans jouer pour l'équipe une, comme Kerem Demirbay, beaucoup d'entre eux ont eu leur chance d'accéder au monde professionnel. Parmi les 12 dernières cuvées, on retrouve Manuel Neuer (débuts en 2005), Mesut Özil (2006), Ralf Fährmann et Benedikt Höwedes (2007), Carlos Zambrano (2008), Joël Matip (2009), Julian Draxler (2011), Sead Kolasinac (2012), Max Meyer (2013), Leroy Sané (2015), Thilo Kehrer (2016), Weston McKennie (2017) et Nassim Boujellab (2019). Soit, chaque année ou presque, un joueur de niveau international.

Sur cette terre dynamique et vibrante, devenue notamment terre d'accueil de nombreux émigrés polonais, italiens et turcs après la Seconde Guerre Mondiale, l'attachement aux valeurs qui ont fait la grandeur de la région se retrouve pleinement dans la méthodologie du centre de formation de Schalke 04 : travail, humilité, mais aussi audace et confiance. Modèle de réussite, bâti sur une méthodologie saine qui perdure à travers des années qui passent pourtant si vite dans le sport de haut niveau, où le court terme règne en maître, Knappenschmiede est bel et bien la fine fleur de la formation allemande. Où que soient les des Rois Bleus, en seconde division comme en coupe d'Europe, les jeunes sont le coeur du projet d'un club aujourd'hui enseveli sous ses rêves de grandeur. A n'en pas douter, les apprentis de Knappenschmiede seront comme toujours la lanterne salvatrice au bout du tunnel d'une mine de charbon, le rayon de lumière qui fend l'obscurité et ramène Schalke 04 à la surface.
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