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8/31/2021 Commentaires

KRC GENK, TOUJOURS BON PIED BON OEIL

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Le Président Giscard d'Estaing disait en 1976 qu'en France "on n'a pas de pétrole, mais on a des idées". Il semblerait que cette maxime devenue célèbre ait traversé les frontières. Dans la province du Limbourg, nichée au nord-est de la Belgique, ce précepte a été pris au sens le plus littéral. Cette région autrefois catalysée par son activité minière puis par l'industrie automobile a perdu son principal atout économique avec le départ de l'usine Ford en 2014. Un départ qui en quelques années seulement a fait perdre à cette province populaire deux tiers de sa production, faisant d'elle un territoire bien en deça des standards nationaux de richesse. Pourtant, aux confins du pays, cette région limitrophe des Pays-Bas, avec qui elle partage l'exclave des Fourons, montre qu'elle a de la ressource.

Club formateur majeur du football belge au cours des vingt dernières années, Genk se distingue par l'excellence de son savoir-faire avec les jeunes. Mais cette réussite se retrouve aussi dans son activité de scouting de talents venus du monde entier, grâce à une politique de recrutement qui, elle aussi, fait la fierté d'un club limbourgeois riche d'idées.


QUATRIÈME ROUE DU CAROSSE

Et des idées, en Belgique, il vaut mieux en avoir pour exister, car historiquement, tous les yeux sont davantage braqués sur Bruxelles, Liège et Bruges. Ces trois villes ont trusté 92 des 118 titres attribués par la Jupiler Pro League, laissant des miettes à leurs concurrentes. Difficile donc se faire une place au sein de cette oligarchie pour cette petite ville de 66 000 habitants, d'autant que le club a mis 49 ans à atteindre la première division, qui plus est sous une autre identité.

Le FC Winterslag est fondé en 1923. Bastion minier de la banlieue de Genk, le club suit un parcours relativement anonyme jusqu'en 1974, date de son accession à la première division belge pour la première fois de son histoire. Après avoir assuré son maintien au sein de l'élite, c'est même un premier parcours européen qui attend Winterslag lors de la saison 1980/81, avec des succès en Coupe de l'UEFA contre les Norvégiens du FK Bryne et les Anglais d'Arsenal. L'élimination au troisième tour contre Dundee United marque la fin de l'épopée, et deux saisons plus tard, le club est même relégué en seconde division.

Winterslag est à nouveau promu quatre ans plus tard, avant de fusionner avec le club voisin de K. Waterschei SV THOR Genk en 1988, formant ainsi le KRC Genk. Vainqueur de deux Coupes de Belgique et demi-finaliste de la Coupe des coupes, Waterschei offre alors, pense-t-on, un nouvel élan à cette nouvelle entité. Il n'en est rien, et le club est à nouveau relégué l'été suivant.

Après dix ans passés à faire l'ascenseur entre les deux divisions majeures, le club s'adjuge enfin une première Coupe de Belgique en 1998, suivie d'un titre de champion l'année suivante ; Genk devient alors le premier club limbourgeois à devenir roi de Belgique. Sous sa forme définitive du KRC Genk, le club voit dans les années 2000 la consécration grâce à un destin qui lui sourit enfin. Trois nouveaux sacres nationaux (2002, 2011, 2019), quatre Coupes de Belgique de plus (2000, 2009, 2013, 2021) et deux Supercoupes de Belgique (2011, 2019) supplémentaires font de Genk le quatrième club le plus titré du pays derrière Anderlecht (56 trophées nationaux), le FC Bruges (44) et le Standard de Liège (22).


ENTRE ANCRAGE TERRITORIAL ET OUVERTURE AU MONDE

C'est ainsi clairement la décennie 2010 qui a marqué un tournant dans l'histoire du KRC Genk, sous l'impulsion de deux présidents jeunes et modernes, mais aux racines fermement implantées dans la région.

En 2009, Herbert Houben prend la présidence du club à 38 ans et devient le plus jeune président de première division. Fils de Houlde-Houben Bertrand, ancien gouverneur de la province du Limbourg, et petit-fils d'Alfred Bertrand, ministre de la Santé Publique et des Transports dans les années 1960, ce notaire de formation arrive d'abord en tant que président du conseil d'administration. Quelques mois plus tard, le président du club Harry Lemmens quitte Genk, ne souhaitant plus s'occuper de la gestion sportive du club au quotidien, et c'est Houben qui prend le poste, obtenant ainsi les pleins pouvoirs.

Né à Genk, Houben a joué plus jeune à Winterslag. Son attachement au club et à sa région est capital, et sous sa présidence, plusieurs limbourgeois occupent des postes stratégiques. Parmi eux, le directeur sportif Gunter Jacob, Roland Janssen, (responsable du scouting), Dirk Degraen (responsable exécutif), accompagnés du Flamand Herman Vermeulen (directeur technique).
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Le président Herbert Houben, ici à droite (Crédits : sportmagazine.knack.be)


C'est sous l'impulsion de cet encadrement que Genk pose les bases des deux clés de sa réussite : la formation et le recrutement. Côté formation, Kevin de Bruyne, Thibaut Courtois, Leandro Trossard, Yannick Carrasco, Thimothy Castagne, Koen Casteels ou encore Christian Benteke, aujourd'hui tous membres de la sélection nationale, ont ainsi parfait leurs gammes chez les Smurfen (les Schtroumpfs). Une réussite exemplaire pour un club qui auparavant ne recrutait que dans le Limbourg, et parvient désormais à attirer des talents venus de toute la Belgique et même des Pays-Bas voisins, en proposant aux jeunes l'apprentissage d'un football offensif et libre.

En ce qui concerne le scouting, le tandem Gunter Jacob - Roland Janssen réalise plusieurs coups de maître, comme les venues de Kalidou Koulibaly (Metz, 1,3M€), Christian Kabasele (Eupen, gratuit) ou encore Sergej Milinković-Savić (Vojvodina, 1M€).
Janssen est un scout à l'ancienne et parcourt le monde avec son seul outil : un oeil acéré. C'est comme cela qu'il a découvert un frêle milieu défensif nigérian au tournoi de Toulon en 2015. Après un essai à Genk, le jeune Wilfried Ndidi s'engage à Genk pour 180 000€ ; il partira deux ans plus tard pour 17,6M€ à Leicester.
Le club se repose aussi beaucoup sur un large réseau d'agents, qui font presque office de scouts pour le club. Si la méthode est contestable, elle permet néanmoins de voir arriver sur le bureau de Jacob des noms qui leur ont peut-être échappé.

L'apogée du duo gagnant à la tête du recrutement se situe sans aucun doute à l'été 2015. Le Serbe Milinković-Savić s'envole direction la Lazio de Rome pour 18M€ (et donc un bénéfice net de 17M€), et Janssen recommande notamment pour le remplacer le recrutement de trois joueurs à très fort potentiel, tous venus d'horizons différents. Parmi eux, le milieu de terrain Alejandro Pozuelo, formé au Betis et en fin de contrat au Rayo Vallecano, l'élégant gaucher Ruslan Malinovskyi du Shakhtar Donetsk disponible en prêt, et un tout jeune Jamaïcain perdu en Slovaquie après un échec en Autriche, Leon Bailey.

Les trois joueurs sont recrutés pour moins de 3,5M€ (Malinovskyi signe d'abord en prêt puis définitivement l'été suivant pour 2M€), et seront revendus pour un total de 39,3M€. Une stratégie lucrative qui fait également ses preuves sur le terrain, puisque sous la présidence de Houben, Genk remporte un titre de champion, deux Coupes de Belgique et une Supercoupe, le tout en engrangeant plus de 55M€ de bénéfices sur le marché des transferts. Grâce à ce recrutement astucieux, le budget du club double en à peine cinq ans.


L'AVÈNEMENT D'UN MODÈLE TOUJOURS PLUS EFFICACE

En 2017, le président Houben reprend sa place au sein du conseil d'administration et passe la présidence à Peter Croonen, qui siégeait lui aussi au conseil depuis 2009. Un échange de poste en somme, qui voit l'homme d'affaires de 48 ans commander aux destinées de Genk en même temps qu'à la Jupier Pro League, où il succède à Marc Coucke.

Croonen a alors 48 ans. Originaire de Waterschei, son père Louis a lui-même été président du club au début des années 2000. Après des études de droit européen et un MBA, il oeuvre notamment à la Banque Générale et dans le fond d'investissement Limbourg Reconversion Company, qui "développe et stimule la croissance économique" de sa province natale. Il poursuit son parcours professionnel éclectique dans le test d'applications mobiles, puis la conception de soins spécifiques à destination du cyclisme, sport roi en Belgique.

Plus jeune, à l'instar de son prédécesseur, Croonen jouait lui aussi à Winterslag. Et, toujours comme son prédécesseur, il s'entoure d'une équipe efficace pour poursuivre dans la direction prise par le club. Une équipe déjà en place au moment de sa nomination, puisque le directeur technique Dimitri de Condé est en poste depuis 2015, et son acolyte Dirk Schoofs, directeur du recrutement, a rejoint Genk en 2016. Les deux hommes remplacent ainsi l'ancien triumvirat Gunter Jacob - Herman Vermeulen - Roland Janssen. Grâce à l'excellent travail qu'il a réalisé à Genk, Janssen est d'ailleurs recruté par Manchester United pour intégrer son département de recruteurs.​
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Le ticket gagnant de Condé-Schoofs (Crédits : sportmagazine.levif.be)

De Condé est originaire de Hasselt, chef-lieu du Limbourg. À 46 ans, l'ancien milieu de terrain a eu une carrière de joueur mouvementée, qui l'a fait parcourir toute la Belgique, passant notamment par Lommel, le Standard, Charleroi et St Trond. Après une fin de carrière marquée par un échec au Lommel SK, il passe ses diplômes d'entraineur et prend en main l'équipe U17 de Genk. Alors qu'il ne se destinait pas spécifiquement au coaching, il accepte le poste (en se formant pour l'occasion) car il ne peut refuser l'appel de son club de coeur. Décrit comme un coach calme et particulièrement doué pour faire progresser les jeunes, il assimile vite le job et finit par gravir les échelons un par un jusqu'au départ de Gunter Jacob en 2015, devenant directeur technique d'un club qu'il connait parfaitement.


LA MÊME CHOSE EN MIEUX

Avec son binôme Dirk Schoofs, ils savent l'importance des jeunes dans le projet du club. Aussi ils restent tous deux à leur écoute, et présentent un projet très clair aux nouvelles recrues et à leur famille. Quand un joueur débarque à Genk, il connaît dès son arrivée son parcours et le poste auquel il va évoluer. Ils deviennent donc rapidement un relais de confiance pour les joueurs, qui n'hésitent pas à toquer à leur porte, comme par exemple lorsque le groupe a demandé à de Condé le licenciement du coach Albert Stuivenberg.

L'idée pour de Condé et Schoofs est de continuer à miser sur le scouting, mais de façon différente. Déjà, les deux hommes partagent le même bureau afin d'être en lien toute la journée. Ensuite, ils ont misé dès leurs débuts sur la technologie, en support du recrutement in vivo. Ils utilisent ainsi des plateformes comme Wyscout et SoccerLab, qui leur permettent de compiler des rapports plus détaillés, notamment sur des éléments statistiques, médicaux et financiers. Une fois le consensus établit autour d'un profil entre les deux hommes et la cellule de recrutement, Schoofs va sur place observer le joueur en match.

D'ailleurs la première décision prise par Schoofs a été de repenser cette cellule de recrutement. Il l'a réduite à seulement cinq membres, qui sont tous plus souvent au siège du club qu'en déplacement. Les scouts sont davantage focalisés sur une analyse vidéo et statistique approfondie, sur la durée, plutôt que sur quelques observations en live. Ce système permet aussi à Schoofs d'éviter de souffrir de l'ingérence des agents de joueurs à travers ses scouts. Si l'une des clés du succès d'antan était de compter sur un réseau d'informateurs externes, lui décide de se baser uniquement sur des éléments sportifs tangibles, sans y mêler d'intérêts économiques extérieurs.

Ces décisions contrastent nettement avec celles de l'ancienne gouvernance. Surtout lorsque l'on se rappelle de l'accord de partenariat conclu avec Liverpool en 2010, qui devait permettre au club anglais de recruter des joueurs africains et sud-américains via le club belge, le temps que ceux-ci soient éligibles à un permis de travail en Angleterre. L'idée était de partager toutes les informations de scouting des deux entités, et d'établir une passerelle sportive. Ce projet bancal sportivement prévu pour quatre ans n'a finalement duré qu'une seule année, et seul le... Français Chris Mavinga fait la navette entre Genk et Liverpool.


UNE POLITIQUE CLAIRE ET CIBLÉE

​Les deux limbourgeois ont de leur côté une vision très claire de ce qu'ils veulent : des joueurs âgés de 18 à 23 ans, doués techniquement quelle que soit leur position sur le terrain, avec un haut potentiel sportif et économique, motivés, ambitieux et forts mentalement. Pour trouver ces perles rares, de Condé et Schoofs se focalisent sur les "ligues mineures", c'est-à-dire celles qui viennent juste après le top 5, ainsi que sur les meilleures secondes divisions.
"Si tu joues deux ans à Genk, tu es prêt à jouer dans un grand club." - Dirk Schoofs
Pour Schoofs, si un joueur de 24 ans joue dans une division inférieure à la Jupiler Pro League, c'est qu'il y a un problème quelque part. C'est pourquoi les deux hommes se concentrent donc quasi exclusivement sur des profils prometteurs à post-former. Pour ce faire, ils ont deux terrains de chasse de prédilection : la Scandinavie et l'Amérique du Sud.

C'est d'ailleurs grâce à la réussite du club sur le marché scandinave que plusieurs grands clubs européens sautent désormais des clubs comme Genk pour piocher directement à la source, et s'éviter au passage un énorme surcoût. Mais c'est sans doute sous-estimer la nécessité de passer une étape intermédiaire comme le championnat belge, qui permet aux joueurs de ces ligues inférieures de monter en régime sans trop de pression. S'il était passé par Genk, Jens Petter Hauge aurait par exemple peut-être eu un destin bien différent au Milan AC. C'est parce que Genk sait donner leur chance aux jeunes, en accepte les erreurs et le temps de maturation qu'ils se développent. Car à leur arrivée, tous ces jeunes ne sont encore que des promesses, pas des certitudes.

Année après année, de Condé et son acolyte trouvent ainsi leur bonheur dans le grand Nord : Sander Berge (Vålerenga, 2M€), Omar Colley (Djurgarden, 1,7M€), Joakim Maehle (Aalbork BK, 1,3M€) ou encore Paul Onuachu (Midtjylland, 6M€) ont rejoint Genk pour y franchir une étape menant vers les meilleures ligues européennes. Si seul le dernier est toujours présent au sein de l'effectif (sa valeur a néanmoins plus que triplé depuis son arrivée en 2019), les trois autres ont rejoint la Premier League ou la Serie A, permettant au passage au club de réaliser de très belles plus-values. 

Et, depuis 2018, c'est l'Amérique du Sud qui prend une place de plus importante dans le recrutement limbourgeois. Là-bas, de Condé et Schoofs évitent le Brésil et l'Argentine pour se concentrer plutôt sur des pays encore peu scrutés comme la Colombie, l'Équateur voire-même le Mexique un peu plus au nord. Jhon Lucumí (Deportivo Cali, 2,5M€), Carlos Cuesta (Atlético Nacional, 3,8M€), Angelo Preciado (Independiente del Valle, 3M€) ou encore Gerardo Arteaga (Santos Laguna, 3,5M€) sont ainsi arrivés récemment pour moins de 4M€ chacun. Pour l'instant encore tous aux clubs, leur valeur croît gentiment : le défenseur central colombien Lucumí vaut désormais 4,5 fois la valeur à laquelle il a été acheté.
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Ike Ugbo, la nouvelle promesse de Genk (Crédits : krcgenk.be)
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À ce jour, le tandem de Condé-Schoofs a d'ailleurs permis de générer 58M€ sur le marché des transferts, soit déjà davantage que leurs prédécesseurs, et en deux années de moins. Sur le terrain, Genk a empoché un titre de champion, une Coupe de Belgique et une Supercoupe depuis le début de la présidence Croonen, symbole d'une cohérence sportive tout sauf sacrifiée sur l'autel du rendement économique. Au contraire, c'est parce que le club recrute intelligemment qu'il gagne sur tous les plans, car à Genk, c'est davantage la réussite sportif qui prime. Les bénéfices de transferts permettent au club de vivre, mais de vivre pour gagner.

Le travail de fond mené par de Condé et Schoofs va à n'en pas douter continuer de porter ses fruits à l'avenir. Cet été, ils sont notamment allés chercher Ike Ugbo à Chelsea pour 3,5M€. Après deux premières saisons en pro réussies en seconde division néerlandaise au Roda JC puis dans l'élite belge au Cercle Bruges, le prometteur anglo-nigérian formé dans l'une des meilleures académies d'Europe était convoité de toutes parts jusqu'à sa signature avec le club limbourgeois. L'ancien ajacide Careil Eiting a également rejoint les Smurfen, avant sans doute d'aller exporter sa formation et post-formation de luxe chez un grand d'Europe.

Élu parmi les meilleures directions sportives par le magazine Voetbal International en 2019 aux côtés de Monchi et Luis Campos, le duo gagnant de 
Genk est bel et bien reconnu comme expert mondial en matière de recrutement. Convoité par le passé par Anderlecht et Feyenoord, de Condé a confessé en 2017 à Sport Foot Magazine :  "J'ai du sang bleu, et je ne me vois pas travailler dans un autre club belge". Il restera donc sans doute encore un peu dans cette province du Limbourg toujours sans pétrole, mais où les idées coulent à flot.
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