CLEAN SHEET
  • HOME
  • TRANSFERTS
  • PORTRAITS
  • INFRASTRUCTURES
  • FORMATION
  • CS ACADEMY
  • PODCASTS
  • HOME
  • TRANSFERTS
  • PORTRAITS
  • INFRASTRUCTURES
  • FORMATION
  • CS ACADEMY
  • PODCASTS
Search by typing & pressing enter

YOUR CART

9/10/2021 Commentaires

LECH POZNAN : CRÉATEUR DE PRÊT-À-JOUER POUR L'EXPORT

Photo
D'aucuns trouveraient que concilier des aspirations philanthropiques avec des velléités purement économiques est un raisonnement trop antithétique pour être viable. Pour ceux-là, il faudrait diviser le monde de façon manichéenne, entre ceux qui vivent pour les autres, et ceux qui ne jurent que par leur propre intérêt. Pourtant, il est possible de concevoir un moyen de mélanger les deux. Les plus grands donateurs à travers l'histoire ne sont-ils pas les plus fortunés ? Certains considèrent alors cela normal dans ce cas. Mais l'on ne donne pas toujours que de l'argent, on donne aussi son attention et son temps. Et à Poznan, du temps, on en donne de plus en plus aux jeunes apprentis. Et de façon plutôt claire.

Au coeur de la Grande-Pologne, on prend le temps d'inculquer le sens du jeu, on polit de façon toujours plus affutée ces diamants bruts venus de tout le pays, pour en faire des joueurs accomplis rapidement, et prêts à embarquer pour une carrière qui doit les mener dans ce que l'Europe du football propose de mieux. Bien sûr, le Lech y trouve son compte financièrement à la vente, mais ne se dispense pourtant pas d'en faire toujours plus pour ses jeunes, en leur offrant ce qu'il considère être le meilleur. Un système a priori gagnant pour tout le monde, et dont l'Europe occidentale raffole de plus en plus. Mais quid de ce système sur le long terme ?


UNE IDENTITÉ À TROUVER

Il convient avant tout de rappeler que le Lech Poznan est un club à l'histoire pleine de rebondissements sportifs, et à la stratégie parfois difficile à lire. Fondé en 1922 par une douzaine de membres d'une association de jeunesse catholique de la ville, le club est créé sous une identité différente de celle qu'on lui connaît aujourd'hui : jusqu'en 1933, on parle du TS Liga Dębiec. Dès le début des années 1930, il est surnommé Kolejorz, un terme emprunté à l'argot qui signifie "cheminot", en raison du lien très fort qui unit le club à la PKP, l'entreprise nationale des chemins de fer.

Le club démarre en Klasa C, la dixième division. Son ascension est stoppée net par la Seconde Guerre Mondiale et l'arrêt des compétitions en cours. Le football ne reprend en Pologne qu'en 1947, lorsque la fédération décide de créer un nouveau championnat national, l'actuelle Ekstraklasa, et d'en définir les participants à la faveur d'un mini-championnat de 28 équipes, dont les 12 meilleures seront sélectionnées. Désormais nommé KPW Poznan, le club du centre-ouest du pays ne parvient pas à se qualifier, finissant 4ème du premier groupe. Coup de chance, la fédération décide finalement que la première division contiendra deux équipes supplémentaires, et Poznan sera ainsi inclue.

De 1948 à 1957, le club parvient à se maintenir tant bien que mal au sein de l'élite. Mais après un nouveau changement de nom en 1957, pour devenir cette fois le KKS Lech Poznan, le club termine le championnat à la dernière place. Et, jusqu'au début des années 1970, il alterne entre première et seconde division, pour ensuite devenir un solide membre de la deuxième partie de classement au sein de l'Ekstraklasa jusqu'au début de la décennie 1980.


CONSÉCRATION SPORTIVE ET PROJETS D'AVENIR

Après douze ans de travaux, le Stadion Poznan voit finalement le jour en août 1980. Le stade d'une capacité de 40 000 places marque l'entrée du Lech dans la modernité. Comme souvent, de nouvelles infrastructures marquent le début d'un élan sportif, et le Lech n'y échappe pas. Après une Coupe de Pologne en 1982, son tout premier trophée, le club enchaîne avec deux titres de champion consécutifs. Le Kolejorz fait alors partie des grands de Pologne.

Le club remet le couvert en 1990, 1992 et 1993, avant de descendre subitement en seconde division à la fin des années 1990. Depuis son retour en 2002, le club poursuit sa poursuite boulimique de titre, pour compter à ce jour sept titres de champion, cinq Coupes de Pologne, et six Supercoupes. En vingt ans, le Lech passe de l'anonymat au 4ème plus gros palmarès national, derrière le Legia Varsovie, le Górnik Zabrze, le Wisla Cracovie et le Ruch Chorzów.

Depuis 2006, le club est la propriété de Jacek Rutkowski, anciennement propriétaire de l'Amica Wronki. Les deux clubs en profitent pour fusionner sous le nom de l'entité actuelle du Lech Poznan. Fondateur de la société Magotra, spécialisée dans la distribution d'appareils d'électroménagers, il fait surtout fortune en revendant certaines de ses activités à de très gros groupes comme Samsung, devenant ainsi l'un des hommes les plus riches de Pologne. Côté sportif, il a en début d'année donné un rôle plus élargi à son fils Piotr, un temps directeur sportif puis vice-président du club, pour prendre un peu plus de recul.
Photo
Le propriétaire Piotr Rutkowski, avec à sa droite le directeur exécutif Karol Klimczak (Crédits : ocdn.eu)


Depuis l'arrivée des Rutkowski, le Lech se porte bien et peut voir de l'avant. Devenu une référence nationale en matière de gestion financière, avec une réussite sportive concomitante, le paternel a souhaité que le Lech reste un club familial avant tout. C'est donc son fils Piotr qui a pris du grade depuis janvier en devenant directeur exécutif aux côtés de Karol Klimczak, et sa soeur Maja fait elle partie du board.

Après avoir stabilisé le club sportivement, les Rutkowski ont érigé la formation comme une priorité pour le Lech Poznan. Ils ont alors participé à créer l'une des plus grosses structures de formation d'Europe avec la Football Academy, dont le fonctionnement est bien huilé, et la philosophie très claire. L'idée est de trouver le talent partout en Pologne grâce à une centaine d'écoles de football au total, dont 39 spécifiquement pour le Lech. Ainsi près de 12 000 joueurs peuvent atterrir dans le giron de la cinquième ville du pays, qui a construit un maillage efficace sur tout le territoire.
Photo

Depuis la section "baby" à partir de quatre ans, jusqu'à la section U12, le groupe FA subdivise astucieusement ses activités, avec des pôles de formation réservés aux gardiens de buts, des écoles mises en place en Grande-Bretagne, ou encore la FA School of Excellence de Szczesin, qui offre un enseignement scolaire de haute qualité dès treize ans pour préparer les jeunes footballeurs à l'éventualité d'un échec dans leur carrière sportive.

Bénéficiant de l'apport des éducateurs du Lech, et reposant sur un manuel d'entraînement prônant une approche individuelle pour chaque joueur et pour chaque catégorie d'âge, le club possède depuis 2014 une structure réellement impressionnante de détection et de formation. À partir de six ans, des tests sont passées dans toutes ces écoles pour intégrer le centre de formation du Lech, et, en cas d'échec, les jeunes peuvent rester au sein de la Football Academy pour parfaire leurs gammes et repasser des tests plus tard.

Au club, les sections de jeunes vont des U8 aux U19. Là encore, l'académie subdivise l'apprentissage technique sur plusieurs catégories d'âge, en créant notamment des groupes du nom de Owen (6-7 ans), Lampard (8-9 ans) et Rooney (10-12 ans) pour intégrer la "Pyramide des Feintes" établie par le club. Il est alors question pour les jeunes joueurs de maîtriser progressivement la conduite de balle et la qualité technique de plusieurs grands joueurs dont le programme s'inspire pour en faire des joueurs techniquement à l'aise à l'âge adulte.

À partir de 9 ans, des tests de jongle, de déplacements sans ballon ou de dribbles sont mis en place pour affiner la sélection assez rapidement. Mais si le club met clairement l'emphase sur la qualité technique, il se veut aussi très organisé dans le parcours global de ses élèves. Des échanges réguliers avec les parents permettent à ceux-ci de savoir exactement où en est et où va leur petit prodige ; le club mise aussi sur l'enseignement pour développer la créativité en-dehors du terrain, et veille à transmettre des valeurs de respect, de fair play et de confiance en soi pour résoudre soi-même les problèmes liés au ballon comme à la vie courante.


UN LABORATOIRE DE RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT

Le responsable de la formation Rafal Ulatowski n'a d'ailleurs pas été choisi au hasard en 2016, lorsque le club a voulu franchir une nouvelle étape. Ancien joueur modeste, l'homme de 48 ans a connu une reconversion plus réussie après son diplôme en éducation physique et son obtention de la licence UEFA Pro A. Passé d'entraîneur des jeunes de Lodz à entraîneur-joueur en Islande, il devient l'adjoint du sélectionneur de l'équipe nationale de Pologne Leo Beenhakker en 2008. Après quelques mois, il part prendre les commandes du KKS Belchatow et d'autres clubs polonais, sans grand succès.

Après un premier passage rapide en début de carrière, il revient à Poznan pour prendre la direction de l'académie, qui fait appel à lui en raison de son expérience hétéroclite. Il a pour mission de se mettre au service des formateurs du Lech pour leur donner une approche toujours plus créative, et d'apporter un regard neuf et différent sur un système qui prend de plus en plus d'ampleur.

Sous son impulsion et celle des Rutkowski, le Lech annonce en 2020 vouloir repenser son centre de formation basé à Wronki pour en faire un centre de recherche et de développement, où la data prend une place plus importante dans le parcours de formation. Le club espère ainsi rivaliser avec les meilleurs clubs d'Europe, et la visite du Premier Ministre Mateusz Morawiecki en juillet 2020 à l'occasion de cette annonce montre à quel point le sujet revêt une importance d'ordre national en Pologne.

​Le projet de 9M€ est d'ailleurs financé pour moitié par le Ministère de la Culture, du Patrimoine et des Sports, à travers son programme d'investissement d'importance spéciale dans le sport. Pour ce budget, le club construit en premier lieu un simulateur dernier cri, résultat très récent de l'apport de la technologie dans le football. Le skills lab, conçu en Allemagne, et déjà utilisé par Hoffenheim et le Bayern Munich, doit être achevé fin 2021.
Photo
Le skills lab du Lech Poznan (Crédits : skills-lab.com)

Dans un second temps, ce sont les installations techniques qui seront mises à jour, avec une date de fin de travaux prévue pour le 30 juin 2022. Le Kolejorz entend ainsi célébrer son centenaire avec un projet résolument tourné vers l'avenir. Cet outil doit permettre aux joueurs de toutes les catégories d'âge de travailler sur des compétences techniques ciblées, enregistrées et analysées. Le skills lab permet également une remise en forme plus efficace et plus rapide après une blessure.


UNE QUÊTE DE L'EXCELLENCE... MAIS POUR QUI ?

À n'en pas douter, les Rutkowski ont joint les actes à la parole, et ont offert au Lech des infrastructures inégalées en Pologne, et parmi ce qu'il se fait de mieux en Europe. Pourtant, l'objectif du fils, Piotr, est on ne peut plus clair : pour lui, le club est un "pourvoyeur de talents vers les cinq plus grands championnats". L'idée est de réussir à former des joueurs prêts à contribuer immédiatement dans ces ligues majeures dès 22-23 ans, l'âge maximal de revente.

Il est par ailleurs important de vendre quasiment uniquement dans ces top championnats pour accroître la notoriété du club, faciliter son recrutement de jeunes, mais aussi faire monter les prix à l'avenir, grâce au sceau de qualité implicite que les nombreuses réussites passées permettent d'établir.
"Nous sommes au milieu de la chaîne alimentaire. Pour nous, il est important que nos joueurs aillent dans le top 5, mais surtout qu'ils y réussissent. C'est pour cela que je préfère vendre à Southampton qu'à Chelsea." - Piotr Rutkowski
Pour accomplir son objectif, il compte sur le réseau de son directeur sportif Tomasz Rzasa, ancien joueur qui officiait jusqu'en 2018 au sein de l'académie, et sur des plateformes de data telles que TransferRoom. Cet outil, que la majorité des utilisateurs utilisent pour pouvoir scouter des talents à travers le monde, lui il l'utilise pour enrichir son pitch de vente avec des données chiffrées. Lorsqu'il souhaite céder un joueur qui n'a plus de potentiel de revente élevé, il s'attaque aux "seconds marchés" comme la Suède, la Norvège ou le Portugal pour trouver preneur pour des joueurs plus âgés, et pour lesquels il faut un peu plus d'arguments de vente.

Des méthodes qui ont fini par écoeurer l'ancien responsable de l'académie, Marek Sledz. Pour ce dernier, tout est devenu différent quand le club a commencé à ouvrir en grand les portes du Lech aux agents. Ceux-ci se sont jetés sur les jeunes les plus prometteurs pour leur faire miroiter un avenir européen loin de la Pologne. Officiellement, Sledz serait allé au clash avec ses dirigeants pour conserver Krystian Bielik, parti pour une bouchée de pain au Legia. Officieusement, il pensait avoir beaucoup mieux que Bielik dans son effectif, et ne voulait pas spécialement le garder ; c'est le club qui a utilisé cette excuse pour se séparer de celui qui n'entrait pas dans le système voulu par le club.


DES RÉUSSITES DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION

​Depuis l'arrivée de Rafal Ulatowski, les choses sont donc très claires. Former du mieux possible, pour vendre du mieux possible, et faire en sorte que la qualité de leurs "diplômés" permette de continuer à fonctionner de la sorte dans le temps. Mais au final, est-ce bien si immoral ? Car la question est bien là : si les Rutkowski investissent autant, c'est qu'ils en attendent un retour bien supérieur. Mais n'est-ce pas là le lot de nombreux clubs, y compris bien plus nantis que le Lech Poznan ? Et les joueurs, sont-ils perdants dans l'affaire ?


Car les générations se suivent et quasiment chaque année, plusieurs éléments se démarquent et rejoignent effectivement le top 5. Bartosz Berezinski (Sampdoria) et Marcin Kaminski (VfB Stuttgart) pour la génération 92, Jan Bednarek (Southampton) et Karol Linetty (Sampdoria) pour la 96, Kownacki (Sampdoria, décidément friande de Polonais) pour la 97, Krystian Bielik (Legia), Robert Gumny (Augsbourg) et Kamil Jozwiak (Derby County) pour la 98 et Jakub Moder (Brighton) et Tymoteusz Puchacz (Union Berlin) pour la 99 en sont les exemples.
Photo
Jakub Kaminski, possible future meilleure vente du club (Crédits : getfootballnewsgermany.com)

​
​Après un petit trou d'air, c'est la génération 2002 qui promet une cuvée record. Jakub Kaminski, Filip Marchwinski et Filip Szymczak forment un trio offensif qui affole déjà les recruteurs occidentaux ; l'ailier Michal Skoras né en 2000 fait aussi partie de la bande.

Pour eux, l'avenir est très clair, et il s'écrira loin de Poznan ; Marchwinski était d'ailleurs à deux doigts de rejoindre le Torino en fin de mercato. Mais quel avenir pour eux en Ekstraklasa alors qu'en s'expatriant, ils peuvent espérer un bien meilleur salaire, et une place en sélection plus "facile" à obtenir qu'en restant à Poznan.

Si le projet est lucide, tant l'Ekstraklasa ne peut aujourd'hui pas rivaliser avec les meilleurs championnats européens, et l'organisation 
irréprochable, avec des installations sans équivalent dans le pays, les velléités commerciales sont peut-être trop ouvertement affichées par Piotr Rutkowski. Pas sûr d'ailleurs que cela serve ses intérêts in fine, car s'il maintient son discours, le Lech ne sera jamais qu'un pont entre la Pologne et l'Europe du football. Où est la place de l'institution dans ce cas, et que va-t-il advenir du succès sportif du club dans tout cela ? Car depuis 2015, plus aucun trophée n'a été levé par le club, les yeux et l'esprit sans doute toujours un peu trop ailleurs.
Commentaires
Tous droits réservés.
​CLEAN SHEET© - 2021

Mentions légales