La ferme, et de manière plus générale, l’agriculture, sont des milieux géographiquement et économiquement associés à la ruralité, auxquels on accole, à tort ou à raison, une image poussiéreuse en raison des caractères anciens, traditionnels et parfois conservateurs de cette activité qui connaît un fort recul depuis la domination de l’industrialisation puis de la tertiarisation qui l’a de nos économies. Mais si Thomas Hitzlsperger est bien né dans une ferme munichoise le 5 avril 1982, cadet d’une famille de sept enfants, il faut croire que la ruralité de son milieu d’enfance n’a en rien empêché sa capacité à vivre dans son temps, voire même en avance. Fignolant sa technique de frappe qui lui vaudra sa réputation en tirant contre les solides murs de sa bucolique bâtisse, le jeune Bavarois poursuit des études dans l’optique de devenir commis de bureau, tout en n’envisageant pourtant son futur que dans le monde du football. Une émancipation à l’image de celle connue par la ville de Munich, qui, elle aussi, a connu un fort développement depuis sa restauration à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, pour devenir aujourd’hui l’un des principaux pôles économiques d’Europe, abritant les sièges sociaux d’une multitude de firmes transnationales spécialisées dans le tourisme, la construction automobile et mécanique, l'électrotechnique ainsi que l'industrie des logiciels et des technologies de l'information. Preuve qu’en Bavière, l’obscurité est destinée à être percée, et les étoiles à briller. UNE CARRIERE DE JOUEUR MÉTÉORIQUE La carrière de Thomas Hitzlsperger débute à l’âge de sept ans dans le club de son quartier d’enfance, le VfB Forstinning, à une trentaine de kilomètres seulement de Munich. Il fait forte impression dès son plus jeune âge et attire l’œil des recruteurs du Bayern, qui le ramènent alors dans sa ville natale en 1989 pour qu’il intègre les équipes de jeunes de l’ogre local. Hitzlsperger y reçoit l’enseignement des éducateurs roten (« rouges », surnom donné aux membres du club) jusqu’à l’âge de 18 ans, avant d’être libéré par le club. Une désillusion pour le jeune Thomas, mais ce n’est que partie remise avec le destin, car si les Bavarois ne décèlent pas en lui le talent nécessaire pour évoluer au niveau professionnel, ce n’est pas le cas des recruteurs d’Aston Villa qui l’appâtent aussitôt à Birmingham pour y parfaire sa formation en vue d’intégrer l’équipe première qui évolue en Premier League. S’il fait sa première apparition sous le maillot des Villans au Villa Park à l’occasion d’une défaite 0-3 face aux Reds de Liverpool, c’est surtout la saison d’après que sa carrière professionnelle décolle véritablement. Alors qu’il est prêté du côté de Chesterfield, le nouvel entraîneur d’Aston Villa, Graham Taylor, demande son retour à Birmingham en raison d’un effectif décimé par les blessures. Une occasion rêvée pour l’Allemand, qui peut alors enchaîner les minutes et démontrer ses qualités, au point de devenir progressivement un élément principal de l’effectif ainsi qu’un joueur plébiscité par les supporters. La puissance de sa patte gauche, qui lui permet d’envoyer des missiles dans les buts adverses, lui vaut alors le surnom de « Der Hammer » (« le marteau » en allemand). On se souviendra notamment de ce superbe but marqué face à Arsenal un soir de septembre 2002 sur une frappe du gauche à la suite d’un petit pont remarqué sur Thierry Henry. Pour l’émotion, les fans d’Aston Villa se souviendront davantage, quant à eux, des buts de dernière minute martelésface à Bolton et West Brom. C’est ainsi loin de sa tendre Bavière que Thomas Hitzlsperger se montre aux yeux du monde, cumulant 114 matchs pour douze buts et une passe décisive, ce qui lui ouvre les portes de laMannschaft, avant de retourner en Allemagne en 2005 et d’y connaitre l’apogée de sa carrière. UN RETOUR RÉUSSI EN ALLEMAGNE Le 1er juillet 2005, le transfert de Thomas Hitzlsperger au VfB Stuttgart est officialisé, celui-ci ayant la lourde tâche de remplacer Alexander Hleb qui fait alors le voyage inverse en destination d’Arsenal. Le Munichois fait son retour dans le pays des poètes et des penseurs cinq ans après l’avoir quitté. Il réalises ses débuts en Bundesliga le 6 août 2005 et devient dès son arrivée un élément incontournable de l’effectif souabe, dirigé par l’inénarrable Giovanni Trapattoni. Il marque son premier but sous ses nouvelles couleurs le 16 avril de la même année au cours d’un match face à Hanovre, qui se soldera par un nul sur le score de trois buts partout. Mais c’est surtout la saison suivante qui va constituer le tournant de la carrière de Thomas Hitzlsperger. Installé aux côtés de joueurs comme Timo Hildebrand, Mario Gomez, Cacau, Sami Kedhira, Pavel Pardo ou encore Roberto Hilbert, le jeune bavarois va très fortement contribuer au sacre de Stuttgart, offrant au club son cinquième titre de champion d’Allemagne. En effet, lors de cette saison 2006/2007, Der Hammer ne rate que quatre matchs de Bundesliga dont deux pour suspension, avec sept buts marqués et quatre passes décisives délivrées au compteur. Il marque d’ailleurs le but de l’égalisation lors du dernier match de championnat face au FC Energie Cottbus qui permettra à son équipe d’être sacrée championne devant Schalke 04. Pour embellir encore davantage cette saison historique, le VfB Stuttgart se hisse même en finale de DFB Pokal, qu’il perdra néanmoins en prolongation à Nuremberg en ayant été réduit à dix après l’expulsion prématurée de Cacau. Sur les six matchs à jouer dans la compétition, Thomas Hitzlsperger apparaît cinq fois marquant trois buts et délivrant une passe décisive. Il est un élément moteur de la belle mécanique que n’aurait pas renié l’ingénieur Gottlieb Daimler, l’ingénieur à l’origine des moteurs à essence et fondateur de la marque Mercedes-Benz, qui fait la fierté de Stuttgart et du Bade-Wurtemberg. Ce retour en Allemagne et les performances qui l’accompagnent lui ouvrent également les portes de la sélection nationale allemande avec laquelle il participe de plus en plus aux compétitions internationales. A l’issue de sa première saison à Stuttgart, il fait partie des joueurs retenus par Joachim Löw pour jouer la Coupe du Monde 2006 qui se déroule à domicile ; il ne joue cependant qu’une dizaine de minutes lors du match pour la troisième place face au Portugal que la Mannschaft remporte sur le score de 3-2 décrochant ainsi la médaille de bronze. C’est au cours de l’Euro 2008 que Thomas Hitzlsperger se distingue le plus sous les couleurs allemandes, participant activement à la qualification de son équipe pour la compétition et jouant la quasi-totalité des matchs (un seul match raté, contre la Pologne), jusqu’à la finale perdue 1-0 face à l’Espagne. La suite s’avèrera néanmoins bien moins radieuse pour Der Hammer, qui connaît une fin de carrière entravée par des blessures à répétition. Après l’Euro 2008, il se voit retirer son brassard de capitaine en club au profit de Markus Babbel, et se retrouve même relégué sur le banc de touche, perdant ainsi son statut d’indiscutable au sein de l’effectif d’Armin Veh. En 2010, l’Allemand file à la Lazio dans l’espoir d’une fin plus douce, où il n’apparaîtra que six fois avec le maillot des biancocelesti entre janvier et mai 2010. Ce passage en terre italienne n’est alors que le début d’un déclin inévitable, Hitzlsperger étant contraint de raccrocher les crampons en 2013 à l’âge de 31 ans après des passages ratés à West Ham, Wolfsburg et Everton, jouant à peine 28 matchs joués en trois ans en raison d’un corps qui l’abandonne. UNE RECONVERSION EXTRASPORTIVE COMBLÉE Thomas Hitzlsperger ne se ménage pas pour autant, car si le football s’arrête pour lui sur le terrain, en dehors des quatre lignes il continue à s’investir. S’il est parvenu à devenir ce qu’il est en venant d’où il vient, il sait alors que tout est possible. A l’issue de sa retraite, il entame très tôt une carrière de consultant à la télévision puisqu’il est sollicité dès 2014 pour intervenir en tant que commentateur-expert lors de la Coupe du monde au Brésil pour l’émission matinale de la ZDF, deuxième chaîne de télévision allemande. L’opportunité se présente d’ailleurs à deux autres reprises puisque Der Hammer est également invité pour commenter la dixième et dernière édition de la Coupe des Confédérations remportée par l’Allemagne en 2017 ainsi que la Coupe du monde 2018 en Russie pour la chaîne ARD. Dans une interview accordée à la chaîne DW, il explique le choix du journalisme : « Je voulais rester dans le monde du football une fois ma carrière terminée. Je ne voulais pas entraîner ou endosser un quelconque autre rôle dans un club tout de suite. Mais j’avais envie de découvrir l’autre côté du milieu : j’ai apprécié de devoir chercher ce que je pouvais écrire et quelles étaient les histoires qui pourraient plaire aux lecteurs ». Lui aussi part d’une clean sheet, cette page blanche qui s’ouvre à tous les horizons. Parallèlement à ces apparitions à la télévision, c’est surtout une carrière de dirigeant sportif qui attend Hitzlsperger, puisqu’à l’occasion de la refonte de l’organisation du VfB Stuttgart, celui-ci est nommé le 5 juin 2016 au poste de représentant du Conseil d’administration pour assurer la liaison entre la direction du club et l’équipe sportive. Pour rappel, les clubs professionnels allemands ont en effet la possibilité depuis 1998 de séparer juridiquement la partie sportive du reste du club en créant une entité propre et indépendante prenant la forme d’une société de capitaux. Cette technique a l’avantage de permettre aux clubs d’avoir accès à différentes formes de financement (via notamment une entrée en Bourse) afin d’améliorer leur compétitivité et d’éviter d’éventuelles difficultés financières. Toujours, cependant, dans le respect du sacro-saint principe du « 50+1 » qui caractérise la gestion des clubs allemands, au risque d’être taxé de plastik club et de devenir l’ennemi numéro un des supporters traditionnels allemands à l’image du Red Bull Leipzig ou de Hoffenheim. Hitzlsperger fait alors son retour dans le club qu’il a hissé au sommet de l’Allemagne en 2007, cette fois vêtu d’un costume. A l’occasion de l’assemblée générale du 3 décembre 2017, il est élu membre du Comité exécutif du club souabe avec 94,2% des voix, ce pour une durée de quatre ans, tout en assumant à côté, à partir de 2018, la direction du centre de formation. Le tournant a lieu le 12 février 2019, lorsqu’il est nommé à la tête de l’entité sportive du club pour endosser le poste de directeur sportif, en lieu et place de Michael Reschke, avec la mission de redresser l’équipe qui se dirige tout droit vers la relégation, pointant à la 16èmeplace du classement. Le miracle n’arrivera pas puisque Stuttgart est relégué en 2. Bundesliga à l’issue de la saison, l’équipe n’ayant pas réussi à se défaire de l’Union Berlin en barrages de montée/descente – pour le plus grand plaisir des Berliner, qui décrochaient alors leur première montée dans l’élite du football allemand. L’ancien milieu de terrain des rouges et blancs doit alors œuvrer en coulisse pour faire remonter le club dès la saison suivante. Le chantier commence avec la nécessité de trouver l’entraîneur idéal pour occuper le haut du tableau et retrouver la Bundesliga le plus rapidement possible. Après une première tentative faite avec Tim Walter, et alors que Stuttgart joue la montée, les résultats sont jugés trop irréguliers et l’entraîneur allemand est remercié dès le mois de décembre. Le pari se porte alors sur le surprenant profil de Pellegrino Matarazzo, alors entraîneur adjoint à Hoffenheim. Le choix peut se comprendre lorsqu’on sait que l’entraîneur italo-américain est l’assistant d’un certain Julian Nagelsmann, qui séduit déjà à l’époque par sa philosophie de jeu. Der Hammer compte alors sur le natif du New Jersey pour apporter un peu des préceptes qui font frissonner l’Allemagne du football, et tirer le meilleur de l’effectif tout en se basant sur le développement des jeunes joueurs. À l’arrivée de son nouveau coach, Hitzlsperger affirme clairement son contentement et son ambition pour le club. « Nous nous sommes efforcés durant les recherches et avons eu plusieurs entretiens. Mais à la fin, il était clair que Matarazzo apparaissait comme la meilleure option. Avec lui, nous engageons un entraineur qui correspond à notre philosophie du football. Nous sommes confiants dans le fait qu’il puisse offrir à l’équipe un coup de boost pour la deuxième partie de saison tout en continuant à appliquer notre politique liée à l’intégration des jeunes joueurs dans l’équipe professionnelle. » - Thomas Hitzlsperger Le choix s’avère payant puisque les souabes finissent la saison 2019/20 à la deuxième place du championnat, faisant ainsi leur retour parmi l’élite une saison seulement après l’avoir quittée. Et en y mettant les formes, Matarazzo ayant inculqué à ses joueurs un jeu offensif pour faire de l’équipe la deuxième meilleure attaque du championnat tout en étant la troisième meilleure défense. Mission réussie pour l’ancien disciple du surdoué Nagelsmann, mais aussi pour Thomas Hitzlsperger qui, par son choix audacieux couronné de succès permet à Stuttgart de retrouver la place qui est la sienne. Pour son retour en Bundesliga, le VfB Stuttgart réalise d’ailleurs une belle performance, finissant l’exercice à la 9ème place, à cinq points seulement de l’Union Berlin qualifié pour les barrages d’accession à l’Europa Conference League. Ceci en ne reniant jamais le jeu offensif qui a fait son succès à l’échelon inférieur, puisque Stuttgart est alors la septième meilleure attaque du championnat derrière le Bayern, Dortmund, Francfort, Mönchengladbach, Wolfsburg et Leipzig. Conformément à la philosophie de l’institution qu’est le VfB, Matarazzo se distingue par son utilisation des jeunes talents de son effectif, parmi lesquels se révèlent le prolifique Silas Wamangituka (1998), Orel Mangala (1998), Borna Sosa (1998) ou encore le Français Tanguy Coulibaly (2001). Une politique de la jeunesse qui est à la fois le fruit de la tradition de formation au VfB, avec d’anciens élèves comme Serge Gnabry, Joshua Kimmich, Timo Werner, Antonio Rüdiger et tant d’autres, comme de la nomination de l’œil le plus aguerri du pays lorsqu’il s’agit de déceler un potentiel de star. En nommant Sven Mislintat au poste de responsable du recrutement, Hitzlsperger ramène au pays celui qui avait bâti le BVB de Jürgen Klopp puis de Thomas Tüchel, avant d’entamer l’ambitieuse mais infructueuse reconstruction d’Arsenal. Loué pour son abattage hors norme, sa capacité à analyser un joueur et à cibler les profils capables de s’intégrer techniquement et humainement dans un effectif en place, Mislintat rentre parfaitement dans la vision à la fois sportive et économique de Hitzlsperger. Ce dernier le sait, pour ramener Stuttgart tout en haut, les jeunes sont des actifs qui vont jouer quelques années au club tout au plus, et dont la valeur spéculative pourrait permettre au VfB de se reconstruire plus vite, à la faveur de quelques plus-values bien senties. Mais les astres ne s’alignent que pour une durée déterminée, et parfois trop fugace. Ainsi, malgré le bon travail et les bons résultats ayant suivis la nomination de Thomas Hitzlsperger au poste de directeur sportif, il est annoncé, le 15 septembre 2021, que la collaboration entre ce dernier et le VfB Stuttgart ne serait pas prolongée au terme de son contrat en 2022, et ce à la suite d’une demande formulée auprès de sa direction et du président Claus Vogt par Hitzlsperger lui-même. C’est en ces termes qu’il s’exprime à ce propos auprès des supporters dans le communiqué publié par le club sur son site internet : « Ce n'était pas une décision facile car le VfB compte beaucoup pour moi. J'ai vécu beaucoup de moments merveilleux dans ce club et avec les gens qui y travaillent. Après avoir pris mes fonctions de PDG en octobre 2019, nous nous sommes engagés dans un projet qui a réussi avec un grand engagement et un esprit d'équipe de la part de toutes les personnes impliquées. Les nouvelles structures et méthodes de travail rendent le VfB plus efficace et plus robuste. L'accent est maintenant de nouveau mis sur les joueurs et leur développement. Après mûre réflexion, j’ai décidé de laisser mon poste vacant au terme de mon contrat à l’automne 2022 pour faire place à un nouveau directeur. Je ressens une grande gratitude pour les années que nous avons passées ensemble et je resterai émotionnellement très proche du VfB à l'avenir. Et, en attendant, avec notre équipe, je donnerai tout pour le VfB jusqu'au dernier jour ». C’est une décision qui, si elle a pu paraître surprenante pour certains, relève en réalité d’une évidence pour d’autres. Car cette fin de collaboration fait suite à des tensions nées en interne au club depuis l’élection de Claus Vogt au poste de président. En effet, après cette élection en décembre 2019, le club est plongé dans une affaire de partage de données privées – la Datenaffäre –, l’ancien président, Wolfgang Dietrich, étant accusé d’avoir partagé une grande quantité de données à caractère privé touchant un certain nombre d’employés du club en vue de mener à bien le projet de scission du club en deux entités – chose acquise le 1er juin 2017 à la suite d’un vote des supporters. La divulgation de ces données est rendue publique dans un article publié par le journal sportif allemand Kicker en septembre 2020, à la suite duquel, tant le nouveau président Claus Vogt que Thomas Hitzlsperger, ont affirmé qu’il s’agissait d’une affaire majeure dont la clarification allait devenir la priorité absolue de la direction. Le président entrant annonce alors le 28 septembre 2020 qu’il a été décidé de mettre en place, sans délai, « un examen externe, transparent, critique, neutre et indépendant » ce qui rejoint les volontés de Hitzlsperger. Néanmoins, la suite de ces déclarations n’aurait pas plu à l’ancien milieu de terrain. Dans une lettre ouverte publiée sur son site internet et diffusée via Twitter le 30 décembre 2020 – mais supprimée depuis –, ce dernier a vivement critiqué la gestion de Claus Vogt, jugée non-transparente, au contraire des déclarations faites à la suite de son élection : « Claus Vogt est arrivé avec des objectifs et des idées qui nous apparaissaient importantes à tous au club. Un an plus tard, presque rien de tout ce qui a pu être avancé n’a été mis en œuvre » déclarait-il alors. Insatisfait de la situation dans laquelle se trouvait alors le club et voulant y remédier, il annonçait par la même occasion sa candidature aux prochaines élections prévues en mars 2021. Si certains ont pu se rallier à sa cause, beaucoup d’autres ont condamné la position prise par le jeune dirigeant, une position décrite comme celle d’un hypocrite par certains supporters, sa démarche ayant pu être perçue par certains d’entre eux comme un moyen de bousculer Claus Vogt. La situation s’est envenimée à tel point que Hitzlsperger s’est finalement rétracté, reconnaissant lui-même son erreur tout en s’étonnant, cependant, de la tournure des choses : « J'ai été étonné de voir comment les gens peuvent punir une erreur de cette manière, comment les gens réagissent émotionnellement et de ce que cela me fait » affirmait-il pour le quotidien Stuttgarter Zeitung à propos de la réaction affichée par les supporters suite à son tweet. Reste à espérer que ce ne soit pas l’image que les supporters conserveront de lui lors de son départ. UN ENGAGEMENT SOCIAL TRES MARQUÉ Mais la carrière du Hammer ne s’arrête, en réalité, pas uniquement au rectangle vert. S’il est connu pour la puissance de sa patte gauche et pour sa carrière aussi brève que gagnante de dirigeant du VfB Stuttgart, Thomas Hitzlsperger l’est également pour son fort engagement en défense de différents thèmes sociaux qui lui tiennent à cœur. Il fut en effet le premier joueur professionnel allemand de renommée internationale à affirmer publiquement son homosexualité après avoir raccrocher les crampons, dans un entretien paru au journal Die Zeit : « Je déclare mon homosexualité parce que je veux faire avancer la question de l'homosexualité dans le monde du sport professionnel » avait-il alors affirmé, s’étant rendu compte dans les dernières années de sa carrière qu’il préférait vivre avec un homme, tout en affirmant qu’accepter son homosexualité était « un processus long et difficile ». Un geste apprécié par une grande partie de la communauté homosexuelle, tandis qu’une autre regrettait toutefois que ce « coming-out » n’ait pas été fait plus tôt, au cours de sa carrière. Un an plus tôt déjà, en 2012, un joueur allemand avait, de manière anonyme, affirmé son homosexualité dans le magazine pour jeunes Fluter, ce qui avait ému l’opinion et entraîné une réaction de la part de la chancelière, Angela Merkel, invitant les sportifs à ne plus se cacher : « N’ayez aucune crainte » affirmait-elle alors. Depuis, la fédération allemande lutte fortement contre l’homophobie invitant les clubs à favoriser le coming-out de leurs joueurs : « La position claire de la Fédération allemande de football (DFB) est que chaque personne qui veut faire son coming-out puisse compter sur notre soutien » déclarait son président, Wolfgang Niersbach. L’homosexualité n’est toutefois pas le seul combat dans lequel s’engage Thomas Hitzlsperger. Dans une interview accordée en 2015 pour le diffuseur allemand DW, celui-ci expliquait sa volonté de s’impliquer dans la poursuite d’avancées sociales : « Avec la renommée que l’on a, les gens viennent nous voir en nous demandant si l’on peut soutenir leur cause. J’ai commencé à me demander à partir de là ce que je voulais faire en dehors du football. Combien de temps pouvais-je accorder à l’entrainement et combien de temps pour le reste ? Petit à petit je me suis rendu compte que j’avais envie d’utiliser ma popularité pour contribuer à des causes qui m’intéressaient : la lutte contre la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme, notamment parce que j’ai été moi-même un étranger ». Car, en effet, l’ancien joueur d’Aston Villa et de Stuttgart n’a pas attendu la fin de sa carrière pour se mobiliser. Pendant son activité de footballeur, Thomas Hitzlsperger a été impliqué dans divers projets sociaux, particulièrement à vocation antiraciste. Il écrit régulièrement des articles pour Störungsmelder, une initiative de l’hebdomadaire Zeit Online contre le radicalisme en Allemagne. De 2009 à 2013 il a été l'interlocuteur de la rubrique Tout sauf football pour le même magazine. Il soutient également l'association allemande « Show Your Face ! Pour une Allemagne cosmopolite » qui fait campagne dans tout le pays contre la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme et la violence. En outre il est également impliqué en matière sanitaire, notamment dans le projet UBUNTU Afrique qui prend en charge les enfants séropositifs en Afrique du Sud. Une fois sa campagne originelle abandonnée, c’est une carrière mouvementée et bien chargée qui s’est offerte à Hitzlsperger. Et, bien que l’on aurait souhaité qu’elle se conclue d’une autre façon sur le terrain comme dans son bureau de directeur sportif, il sera particulièrement intéressant de voir comment celui-ci rebondira après de son départ du VfB Stuttgart en 2022. Mais, lorsque l’on est comme lui un élément moteur, fédérateur, déterminé, un penseur du jeu mais aussi un citoyen engagé, il n’y a alors presque plus de limites. Mais de toute façon, même à taille réelle, Hitzlsperger reste une star que les limites de l’enclot de sa ferme natale n’auront jamais su contenir. |
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