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8/23/2021 Commentaires

STUART WEBBER, L'ALCHIMISTE DU NORFOLK

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Pendant près de 2500 ans, l'Homme court après un vieux rêve. La recherche de la pierre philosophale, capable de transmuter en un temps record n'importe quel métal vers son état de maturation le plus avancé, c'est-à-dire l'or, occupe les alchimistes jusqu'à la fin de la Renaissance, lorsque la science se développe suffisamment pour affirmer que le Grand Oeuvre ne se mettra probablement jamais en place. Grecs, Égyptiens, Romains, Arabes et Européens se cassent les dents face à l'un des défis les plus fous de l'humanité.

Depuis, les Hommes ont pris des chemins de traverse pour réaliser cette folle prophétie par d'autres moyens. Stuart Webber fait partie de ceux-là, lui qui, presque partout où il est passé, a permis à ses employeurs de transformer des situations difficiles en opportunités, des lacunes en forces, de bonnes idées en résultats tangibles et fructueux. Le parcours de l'apprenti jardinier devenu directeur sportif dans la ligue la plus puissante du monde force le respect, et suscite l'intérêt de tout un royaume.


LE JARDINIER À LA MAIN VERTE

Stuart Webber est né il y a 37 ans à Aberystwyth, ville côtière à l'ouest du Pays de Galles. Passionné de football, il sait que son talent limité ne lui permettra jamais d'accomplir son rêve de devenir acteur du jeu qu'il aime tant. Pas assez bon à l'école en plus d'être dyslexique, il ne peut s'orienter vers des études en lien avec le sport. De plus, son comté natal de Ceredigion ne compte pas de grands clubs ; il comprend vite que sans quitter ses terres, il n'aura aucun moyen de toucher de près ou de loin à son ambition ultime.

Alors à 16 ans à peine il fait le grand saut vers le nord, direction Wrexham. Webber veut travailler dans un club de football, il en est certain, mais ne sait pas ce qu'il peut apporter, n'ayant aucune qualification particulière pour y entrer. Alors, afin de trouver une bonne raison de toquer aux portes, il s'inscrit dans un lycée horticole et y entame une formation de jardinier. Dans le cadre de son cursus, il décroche un apprentissage dans le club local, le Wrexham FC, alors en League Two (4ème division anglaise).

À la même époque, il commence à passer des diplômes d'entraineur. Pendant un an, il entretient la pelouse du stade le jour, et entraîne toute équipe voulant bien de lui le soir, que ce soit de très jeunes enfants, des sections féminines ou des équipes handifoot. Webber fait cela bénévolement, et espère ainsi apprendre et engranger un minimum d'expérience avant de demander à entraîner au sein du club.

Au terme de sa première année, il prend son courage à deux mains et propose ses services à Wrexham, qui exauce son voeu. Le directeur de l'académie lui accorde sur le champ un essai de six mois avec l'équipe U12. Webber s'étonne de cette confiance aveugle, mais il comprendra quelques semaines plus tard que personne au club ne voulait prendre ce groupe, qui s'entraîne le vendredi à 19h30... Il s'en accommode pourtant, et s'éclate même. Dans un long entretien accordé au podcast The Beautiful Game en juin 2020, il revient longuement sur ces premières années compliquées, mais riches d'enseignement.

Cinq ans plus tard, à 22 ans, il devient le directeur du centre de formation du club qui lui a tendu la main. Il exerce ce rôle pendant trois saisons, au cours desquelles il collabore notamment avec Steve Cooper, ancien défenseur à la carrière stoppée assez tôt, et reconverti au club en tant qu'entraîneur des jeunes. Ce dernier devient même à 27 ans le plus jeune coach à obtenir la licence UEFA Pro, la plus haute certification de la profession. Cette nouvelle attire l'oeil de nombreux gros clubs du pays, et c'est finalement Liverpool qui en fait son entraîneur des U12, avant de lui confier la direction de l'académie trois ans plus tard.

Wrexham devient à cette période un point focal important de la formation au Royaume-Uni, puisque Cooper souffle le nom de Webber à ses dirigeants pour le poste de recruteur des U9 au sein du centre de formation des Reds. Webber hésite, car il occupe un poste plus important à Wrexham, mais accepte finalement. Bien lui en a pris, puisque le nouveau directeur sportif Damien Comolli, qui arrivera quelques mois plus tard, lui promet une promotion rapide dans son nouveau projet. Alors, en 2009, l'ancien jardinier fait le grand saut vers un géant du football mondial.


​DE JARDINIER À PÉPINIÉRISTE

À seulement 25 ans, Stuart Webber débarque dans l'institution liverpuldienne, qui se prépare alors à révolutionner son système de formation. La fin de règne de Benítez marque un tournant pour les Reds, et c'est l'expérimenté Roy Hodgson qui prend sa succession. Une période de trouble agite le club, entre le rachat par le groupe américain Fenway Sports Group, l'échec Hodgson et le retour de l'idole Kenny Dalglish aux commandes. Sportivement, Liverpool traverse un passage à vide qui durera trois ans, jusqu'à l'arrivée de Brendan Rodgers sur le banc d'Anfield.

Webber, lui, se tient relativement éloigné de tous ces tracas dans un premier temps. Il arrive en même temps que Rodolfo Borrell, ancien entraîneur des sections de jeunes de Barcelone, et Pep Segura, ancien assistant au Barça également, qui abandonne son poste d'entraîneur de l'Olympiakos pour devenir le nouveau directeur de l'académie. Ces deux additions ont été faites à la demande de Rafa Benítez, alors encore en poste. L'Espagnol est limogé un an plus tard, mais ses deux recrues restent néanmoins au club pour poursuivre leur mission. Et c'est dans cet univers de cerveaux du ballon rond que Webber, qui pensait alors tout connaître de la formation, se frotte à ce qui se fait de mieux à l'époque, et emmagasine des principes qu'il emmènera partout avec lui par la suite.

Les enseignements de Pep Segura, en particulier, ont marqué le jeune formateur. Il comprend alors que l'attachement à un style de jeu est le seul moyen de créer une unité au sein de l'équipe, et que la répétition ad nauseam des mêmes exercices permet d'implémenter des réflexes conduisant à la maîtrise. Loin d'être fermée à toute forme de remise en question, l'identité de jeu doit au contraire être sans cesse peaufinée pour rester forte et efficiente.

La promotion promise à Webber arrive rapidement, et Comolli le nomme directeur du recrutement de l'académie en 2010. Mais l'aventure tourne mal pour le Français, qui quitte Liverpool deux ans plus tard. On lui reproche des recrutements onéreux et un faible retour sur investissement. Il est notamment vivement critiqué pour avoir dépense 18M€ sur Jordan Henderson, qui a alors du mal à s'imposer. 
Comolli est remplacé par le tandem Michael Edwards, responsable de la méthodologie, et Dave Fallows, responsable du recrutement, qui ne voient pas d'avenir pour Webber dans l'organisation qu'ils veulent mettre en place. L'intéressé, lui, veut désormais évoluer au sein de la structure de l'équipe première, après déjà dix ans consacrés aux jeunes.
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Stuart Webber, le regard toujours perçant (Crédits : thesun.co.uk)

En trois années au club, Webber a beaucoup appris, mais a aussi déjà réalisé un premier gros coup. C'est lui qui repère Raheem Sterling en 2010 et l'arrache le jeune ailier à QPR pour 700K€. S'il a laissé entrevoir de belles promesses du côté de Liverpool, c'est Manchester City qui profitera néanmoins de son talent suite à son transfert estimé à 63,7M€ en 2015. Le flair de Webber lui permet donc de réaliser a posteriori un bénéfice de 63M€, et, ironiquement, de décrocher le poste de responsable du recrutement à QPR.


DE LA FORMATION AU SCOUTING

Lorsque Stuart Webber arrive aux Queens Park Rangers à l'été 2012, le club de l'ouest de Londres vit une période d'instabilité depuis plusieurs saisons. Appartenant auparavant aux magnats de la Formule 1 Flavio Briatore et Bernie Ecclestone, le club est désormais le jouet de deux puissants groupes, Arcelor-Mittal et AirAsia, propriétés respectives du milliardaire indien Lakshmi Mittal et du millionnaire malaysien Tony Fernandes. Sans connaissance ni amour particulier pour ce sport, les propriétaires n'entendent rien faire d'autre que de tenter d'arracher de grands noms et d'en faire une équipe.

Dans ce projet, Stuart Webber n'a pas spécialement voix au chapitre, et doit se contenter d'appliquer cette consigne. Alors il fait venir l'ancienne icône de Blackburn Christopher Samba, l'international tricolore Loïc Rémy, le "Pirate" Esteban Granero en provenance du Real Madrid, ou encore le gardien brésilien Júlio César. Des noms clinquants à l'époque, pour un assemblage hétérogène, une sorte d'équipe de Galactiques low cost, qui n'aboutit à rien d'autre qu'une 20ème et dernière place en Premier League, malgré les passages sur le banc de Mark Hugues et Harry Redknapp.

De cet échec cuisant qui n'est pas vraiment le sien, Webber comprend encore davantage les mots de Pep Segura quelques années plus tôt. Sans culture et sans identité, aucun club ne peut maîtriser son avenir. Venus pour vivre à Londres et toucher un salaire plus que confortables, les joueurs recrutés à QPR sont le parfait exemple de ce que Webber évitera à tout prix dans la suite de sa carrière.

Il quitte QPR l'été suivant, voulant à tout prix sortir de ce bourbier. Il accepte de réduire significativement son salaire pour prendre un poste équivalent en League One, la troisième division anglaise. Direction les Midlands et Wolverhampton, qui viennent tout juste d'être relégués. Webber a alors la tâche de ramener les Wolves le plus rapidement possible en Championship.

Grâce aux ventes de Wayne Hennessey (Crystal Palace), Leigh Griffiths (Celtic) et Karl Henry (QPR), il parvient à recruter neuf joueurs tous arrivés de Championship, et créé un groupe favori pour la montée. Parmi ces joueurs, le franco-malien Nouha Dicko, qui marque 18 buts en 24 rencontres et permet à Wolverhampton de remporter le championnat avec un record de points (107 pts) dès la saison suivante. La saison 2014/15 voit les Wolves se stabiliser dans l'antichambre de la Premier League à la 7ème position, notamment grâce à l'arrivée au mercato hivernal du Gunner Benik Afobe. Recruté pour 2,6M€, il marque 13 buts en 21 matchs et s'impose immédiatement sous les ordres du Gallois Kenny Jackett. Une nouvelle bonne pioche pour Webber, puisque l'attaquant international espoir quittera le club tout juste un an après, pour 13,3M€.


LE PLUS ALLEMAND DES GALLOIS

Webber commence alors à se faire un nom dans la Perfide Albion. En peu de temps, il parvient à la fois à avoir des résultats sportifs, mais aussi financiers. Son oeil pour le recrutement des jeunes joueurs attise la convoitise des présidents de club faisant le voeu, tantôt pieux, tantôt marketing, de structurer un club depuis son centre de formation.

En juin 2015, il répond ainsi favorablement à la proposition de Dean Hoyle, le président d'Huddersfield Town, qui lui offre le poste de Directeur des Opérations Football. Hoyle compte sur l'oeil expert de Webber pour ramener son club de coeur parmi l'élite, et lui laisse pour ce faire les coudées franches.

L'une des premières décisions de Webber est de se séparer du coach Chris Powell. Avec 7 défaites en 16 matchs, le bilan du technicien anglais ne plaide pas en sa faveur. Mais ce qui fait la singularité de ce changement, c'est l'identité de son successeur. C'est le germano-américain David Wagner qui le remplace, et devient ainsi le premier coach non Britannique de l'histoire du club. Et, pour couronner le tout, c'est un illustre inconnu. 

Pour la première décision la plus importante de sa carrière, Webber montre à la fois son assurance et son style. Soutenu par un employeur qui croit en lui, le Gallois fait venir un technicien de 39 ans n'ayant jamais coaché plus haut qu'en ligue régionale allemande. Entraîneur des U17 et U19 d'Hoffenheim, puis manager de la réserve du BVB, Wagner possède le triple avantage de savoir faire progresser les jeunes, d'avoir participé à l'élaboration du gegenpressing aux côtés de son meilleur ami Jürgen Klopp, et... d'être allemand.

Webber reconnaît chez les techniciens allemands une véritable culture de jeu, très identifiable, aux antipodes de ce que proposent la plupart des managers anglais de l'époque. S'il est convaincu que les Anglais s'amélioreront à l'avenir, il souhaite néanmoins apporter tout de suite cette forme de discipline et de conviction tactique au sein de son club. Par ailleurs, Webber estime, à juste titre, que les Allemands ont moins d'appréhension à donner du temps de jeu aux jeunes, et sont moins facilement influencés par des questions de statuts à respecter au moment de définir l'équipe.
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David Wagner, le premier pari de Webber (Crédits : thesefootballtimes.co)


Ce q​ue Webber apprécie également chez Wagner, c'est son profil académique, qu'il n'a semble-t-il pas trouvé chez les managers britanniques. Ancien joueur international (8 sélections avec les États-Unis), Wagner a opté pour un des études universitaires plutôt qu'un cursus uniquement centré sur le football pour préparer sa seconde carrière. Il a ainsi obtenu un diplôme en biologie et en sciences du sport à l'Université de Darmstadt, avant d'obtenir la licence UEFA Pro. C'est sans doute l'un des facteurs qui explique son incroyable réussite avec le BVB II, qu'il a emmené jusqu'en 3ème division, le plus haut échelon auxquelles les équipes réserves peuvent avoir accès.

Dépositaire d'une identité de jeu très claire et d'un savoir-faire avec les jeunes talents, bien qu'inexpérimenté au plus haut niveau, il a attiré l'oeil de Webber, qui mise très gros en l'engageant quelques mois seulement après son arrivée. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la greffe ne prend pas instantanément. Huddersfield termine 19ème, Wagner perdant 15 des 32 matchs qu'il a dirigés. Mais les deux hommes sont confirmés dans leurs fonctions, et abordent la saison suivante avec un plan, qui deviendra ensuite la marque de fabrique du Gallois.

Avec Wagner, ils s'attaquent au marché des divisions inférieures allemandes, et enrôlent ainsi Christopher Schindler, Jon Gorenc Stankovic, Collin Quaner, Chris Löwe et Michael Hefele. Ils ont également recours à des prêts, avec Elias Kachunga qui débarque d'Ingolstadt, les Baby Blues Kasey Palmer et Izzy Brown, et surtout le meneur de jeu Aaron Mooy, tout juste débauché par Manchester City.

Webber comprend d'une part qu'il n'est pas utile de risquer un petit budget sur une seul recrue, et d'autre part qu'il faut avant tout trouver des joueurs en adéquation avec le plan de jeu du coach. Le gegenpressing n'est pas encore totalement à la mode à cette époque, et ceux qui le pratiqueront le mieux jouent alors en Allemagne, qui regorge de très bons joueurs financièrement abordables jusqu'en 3ème division.

La saison suivante se déroule sans accroc, sans blessures, et l'équipe adhère pleinement au système de jeu cette fois bien assimilé. Le recrutement de joueurs essentiellement venus de divisions bien inférieures au Championship est une réussite, et Huddersfield accuse une balance des transferts négative d'à peine 3M€. Le club est promu en Premier League, c'est la consécration pour le duo Webber-Wagner, mais seul l'Allemand opèrera en en première division la saison suivante.


NORWICH, UN MODÈLE SUR-MESURE

Stuart Webber est un personnage remarquablement ambivalent. C'est l'un des professionnels les plus respectés en Angleterre, alors que c'est un self-made man sans réelle qualification. Il prône une vision à long terme, alors qu'il n'a à ce moment de sa carrière jamais eu la patience de rester plus de deux saisons au sein d'un club. Il est d'une minutie excessive, ce qui fait de lui un bourreau de travail, mais il consacre volontiers du temps aux médias locaux ou à la chaîne YouTube du club pour accorder des interviews très détaillées.

À seulement 33 ans, il est déjà plutôt expérimenté, et donne le sentiment de ne pas vouloir perdre de temps. Alors lorsque Delia Smith l'invite à prendre la direction sportive de son Norwich City chéri, il ne rate pas l'occasion de pouvoir repartir d'une nouvelle page blanche.

Norwich est en 2017 un club qui ne parvient pas à se maintenir en Premier League, et qui se trouve face à la nécessité de comprendre pourquoi il fait sans cesse l'ascenseur entre les deux divisions. Ce qui, en soit, n'est pas le plus grave à court terme pour Webber, qui compte dans un premier temps installer les Canaries dans le top 24 anglais. Cela comprend donc la Premier League, mais aussi les places en assurant l'accession depuis l'étage inférieur. C'est d'ailleurs, quatre ans après sa nomination, un élément de discours toujours mal perçu par certains, qui voient en Webber un homme uniquement intéressé par l'argent de la promotion, et sans réel projet sportif.

□ "I kind of feel like they're cheating the system a bit."

❌ "It doesn't sit right with me.

⚽️ "It goes against sporting integrity!"

Alex Crook is NOT a fan of Norwich City's approach to trying to stay in the Premier League. pic.twitter.com/mYgxGANErY

— talkSPORT (@talkSPORT) August 22, 2021

Mais Webber comprend que lorsque l'on n'appartient pas à l'élite, il faut bâtir un succès durable, et cela passe par une construction qui peut connaître certains retards. A fortiori dans un club comme Norwich, qui, s'il appartient à la riche écrivaine et star de télévision Delia Smith, n'a jamais visé que l'autosuffisance économique. Il assume pleinement ces périodes de turbulences qui peuvent conduire le club à redescendre d'un échelon, pourvu que les projets sportif et économique soient viables. Ainsi, il n'hésite jamais à se montrer aux côtés de l'entraîneur, pour montrer à tous que la vision prévaut toujours sur l'instant, surtout en cas de défaite.

Conforté par son succès à Huddersfield, Webber déroule une palette encore plus large de sa vision du football à Norwich. D'abord, il refait le coup de l'entraîneur allemand inconnu, avec cette fois-ci Daniel Farke dans le rôle star. Logique d'ailleurs, puisque Farke n'est autre que le successeur de David Wagner à la tête de l'équipe réserve du Borussia Dortmund. Souhaitant instaurer un football basé sur la possession et le contre-pressing, Webber applique à nouveau sa formule magique. Et, comme à Huddersfield, il faudra une saison pour que l'équipe réussisse à appréhender ce nouveau style.

Farke et ses hommes concluent la saison 2017/18 à la 14ème place, avant de remporter le Championship très largement la saison suivante, avec un style de jeu bien en place, et dont tous les observateurs attendent de voir la portée en Premier League. Parmi les joueurs stars, on trouve déjà toute la palette Webber : des jeunes formés au club, des Allemands sortis de nulle part, et des bonnes affaires.


UN TRAVAIL D'ÉQUIPE

Si le choix de l'entraîneur est un pari, le reste de son entourage sportif proche repose sur deux têtes, qu'il connaît bien : Steave Weaver et Kieran Scott, les trois ayant travaillé ensemble quelques années auparavant à Wolverhampton.

Le Gallois avait déjà fait appel à Weaver pour prendre la direction du centre de formation d'Huddersfield, avant de le débaucher à nouveau pour lui confier une mission similaire dans le Norfolk. Weaver est ensuite nommé à la fois entraîneur des U18, et directeur du développement, un poste visant à assurer de façon plus efficace encore le passage de l'académie à l'équipe première.

Grâce à Weaver, les meilleurs prospects de l'académie se sont imposés dès leur arrivée en équipe première comme des titulaires à part entière. Ces jeunes, ce sont les latéraux Jamal Lewis et Max Aarons, le défenseur central Ben Godfrey, l'élégant ailier Todd Cantwell et le prometteur buteur irlandais Adam Idah.
Si Lewis (16,5M€ à Newcastle) et Godfrey (27,5M€ à Everton) ont quitté le club après une seule saison en équipe première, Norwich ne peut que se réjouir de voir au moins la moitié de ses meilleurs jeunes rester au club et en avoir le niveau, et l'autre moitié en assurer la pérennité économique.

Second membre de la garde rapprochée de Webber, Kieran Scott, le responsable du scouting. Les deux hommes ont le même (jeune) âge, et partage la même vision du recrutement : quand on a un budget limité, il faut trouver de la valeur sur le marché des transferts. Un club comme Norwich sait pertinemment qu'il ne peut s'offrir des "produits finis", sinon de qualité moyenne ; il faut alors être malin pour recruter des joueurs à modeler en stars.

Si les deux hommes aiment exploiter le marché des divisions inférieures allemandes, ils n'en observent pas moins le reste de l'Europe. C'est ainsi que l'équipe d'analystes de Scott tombe sur le profil d'Emiliano Buendía, alors prêté par Getafe au Cultural Leonesa en seconde division espagnole, et au sujet duquel le triumvirat Farke-Webber-Scott s'accorde à penser qu'il pourrait exceller dans les zones de jeu que Norwich favorise dans son approche tactique. Pour 1,5M€, faible somme pourtant difficilement rassemblée par le directeur financier, Norwich se positionne seul sur l'Argentin. Depuis, Buendía est devenu international et a été vendu à Aston Villa pour 38,4M€.
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Kieran Scott, les yeux de Stuart Webber (Crédits : canaries.co.uk)


​UN PROJET EN PLUSIEURS TEMPS

Au cours de la saison 2019/20, Norwich propose un jeu offensif alléchant et surprend les observateurs. Toutefois, la porosité défensive d'une équipe très joueuse et qui prête aisément le flanc coûte trop de points, et entraîne une 20ème et dernière place, et, donc, une nouvelle relégation. Farke est pourtant maintenu, et c'est plutôt Webber qui fait son autocritique : il reconnaît n'avoir pas assez soutenu son entraîneur sur le marché des transferts l'été précédent. Remontés aussitôt en champions incontestés de Championship, les Canaries ont cette fois mis la main au portefeuille plus que de coutume pour conforter leur place au sein de l'élite.

Cet été, Norwich a investi près de 60M€ dans les transferts, 22M€ en déduisant la vente de Buendía. Une somme importante pour un club de l'envergure de Norwich et son modèle autosuffisant. Une preuve aussi que Webber a appris de ses erreurs, et un message clair envoyé à ses détracteurs, qui l'accusent de jouer le jeu du yoyo entre la Premier League et du Championship pour bénéficier de la prime de 170M€ alloués aux promus. Cette prime, aussi appelée parachute money, est en réalité versée sur trois ans. En se baladant chaque année entre la première et la seconde division, le club peut même accumuler plusieurs fois cette dite prime.

Si la méthode reste la même, les profils ont évolué. Dans le rôle des joueurs venus d'Allemagne, les internationaux Josh Sargent et Milot Rashica en provenance du Werder Brême. Cette fois, Webber ne mise plus sur les divisions inférieures, mais peut s'offrir des joueurs de Bundesliga, prêts à franchir une étape et être plus compétitifs en Premier League. Les prêts de Billy Gilmour et de Brandon Williams confirment eux le rôle de rampe de lancement de Norwich, qui a la saison dernière permis à Oliver Skipp de lancer sa prometteuse carrière à Tottenham. Enfin, Pierre Lees-Melou et Christos Tzolis sont le fruit du scouting analytique de la part de l'équipe de Kieran Scott. Avec les stats offensives les plus abouties dans sa catégorie d'âge, le Grec était convoité cet été, mais l'attrait de la Premier League a encore fait son effet.

Mercato de Norwich □□

□□□□□□□ Ben Gibson (8M£)
□□ Dimitris Giannoulis (7M£)
□□ Milot Rashica (9,4M£)
□□□□□□□ Angus Gunn (5M£)
□□□□□□□ Billy Gilmour (prêt)
□□ Pierre Lees-Melou (3,5M£)
□□ Josh Sargent (8M£)
□□ Christos Tzolis (10M£)
□□□□□□□ Brandon Williams (prêt) pic.twitter.com/QbdbIYqyjA

— PLFrance_ □□ (@PLFrance_) August 23, 2021

​
​Mais le salut de Webber ne passe pas uniquement par une politique de transfert réussie. Afin de s'assurer le moyen de rester parmi l'élite, le Gallois comprend également qu'il faut en avoir les installations. Cela permet de mieux former les prochaines générations, et de pouvoir attirer des joueurs de meilleur calibre. Alors il pousse pour que les rénovations du nouveau centre d'entraînement et du centre de formation soient votées et réalisées rapidement. Problème, alors qu'ils auraient par le passé pu être financés par l'argent des promotions, ce capital dilapidé avant l'arrivée de Webber manque cruellement au moment de bâtir. Mais Webber se montre catégorique, il n'y a aucun investissement plus intelligent, plus rentable et plus important à faire à ce moment de l'histoire du club.


Alors Norwich rivalise d'ingéniosité, et propose en 2018 que les travaux soient financés à l'aide de bons obligataires émis par le club. Un système de financement inhabituel, qui a finalement permis aux cadres du club ainsi qu'à 740 fans d'investir dans leur club, et pour celui-ci de récolter non pas 4M€ comme espéré, mais 6M€. Un investissement rentable pour les obligataires, puisque le club paie des intérêts chaque mois, et a prévu un bonus de 25% en cas de montée, d'ailleurs acquise la saison suivante.

Un investissement qui s'inscrit dans la vision de Webber, dans un projet qui doit lui survivre et le dépasser. Le Lotus Training Centre est pleinement opérationnel, et doit permettre à Norwich de continuer à sortir de jeunes talents capables d'aider l'équipe première. D'ailleurs, le projet Norwich fonctionne si bien que Kieran Scott, désireux de suivre un parcours similaire à celui de son mentor, a été recruté cet été par Middlesbrough pour en devenir le directeur sportif. Daniel Farke a prolongé de quatre ans son contrat, le club jouit désormais d'installations modernes et fonctionnelles, et l'équipe a été significativement renforcée sans verser dans la démesure.

Stuart Webber est lui aussi régulièrement approché, comme à l'été dernier par Manchester United. À un an du terme de son contrat, il ne sait pas encore s'il doit poursuivre à Norwich. Dans cette jolie et tranquille petite ville anglaise, il a trouvé le terrain d'expression idéal pour mettre en pratique tout ce que son riche parcours lui a permis d'assimiler. Et avec succès. Un succès qu'il aime partager avec tout son staff et tout le club. Ce qui émane de lui, depuis ses 16 ans, est un enthousiasme communicatif et une soif d'apprendre, de partager et de tout donner pour son club. Alors, une chose est sûre : où que l'achimiste Gallois choisisse de s'installer, pourvu qu'on lui en laisse le loisir, il trouvera la formule pour transformer chaque projet en or.
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